La chapelle St Léonard à Bouvines

Une bénédiction pas comme les autres

Article du Bulletin paroissial paru en 2000

Samedi 8 avril 2000 a eu lieu une bénédiction comme on en voit rarement : celle de la chapelle saint Léonard à Bouvines.

Chapelle St Léonard à Bouvines

Dans le bulletin Ararco du mois de mars dernier, nous avons relaté ce que nous savions du petit patrimoine religieux de Bouvines et entre autres, nous avons assez longuement évoqué l'historique de la chapelle St Léonard. Nous ne le referons donc pas ici, mais seulement le récit de la restauration et de la bénédiction.

Reprenons donc l'histoire de cette chapelle au moment où elle entre dans le champ de vision d'une troupe de Routiers-Scouts, de la famille des Scouts d'Europe et du clan St Jacques de Compostelle. Les objectifs de la Route : le Service, la Marche, la Prière. Le Service, en l'occurrence ce fut la restauration d'une chapelle ; la Marche, ce sont des tronçons successifs de marche vers Compostelle et la Prière, une formation chrétienne appuyée.

Ces jeunes ont de 17 à 22 ans. Deux équipes se sont relayées au chevet de cet édifice, la première celle du chef Thomas Girard, la seconde celle de Stéphane Lahaye.

Donc, cherchant à restaurer une chapelle, les Routiers entrent en contact avec l'Ararco. Son conseiller technique, René Dutilleul, les prend en mains et entreprend de leur montrer des chapelles à restaurer qui ne soient pas trop éloignées de Lille. D'abord à Houplin-Ancoisne mais il apparaît que ce chantier dépasse leurs compétences qui, en matière de bâtiment, sont minces, il faut bien le reconnaître. Nous sommes en décembre 1997. Le 6 février 1998, voici nos jeunes gens devant une chapelle de Cobrieux après être passés à Baisieux et Cysoing ; le 11 février, toujours sous la conduite de R. Dutilleul, ils visitent à nouveau Cobrieux, mais aussi Genech, Bachy, Cysoing-Quennaumont : 60 kilomètres d'investigation ! Impatients de se mettre au travail, la troupe se retrouve à Cobrieux avec les seaux de peinture : c'est alors que leur est présentée la chapelle St Léonard de Bouvines. Elle est dégradée, ses vitres sont cassées, le toit crie misère, les plâtres sont décollés. Il faut un jointoiement général extérieur, des peintures intérieures, un nouveau toit (mais ils connaissent un couvreur), des vitres ou des vitraux. Reste à découvrir le ou les propriétaires, financer l'achat des tuiles : il en faut 360.

L'Ararco acquiert la certitude que la Fondation Dehau est la propriétaire ; R. Dutilleul effectue les démarches que nécessitent l'obtention de l'autorisation des travaux et l'assurance d'un financement .L'autorité et l'expérience professionnelle de René peuvent légitimement rassurer les propriétaires. Le 14 juin 1998, les statues et leurs socles sont déposés et mis en sécurité ; la porte est démontée, René effectue les commandes et rassemble les factures qu'il présentera en fin de travaux à l'association propriétaire. Il fait de sa poche les avances nécessaires, prête un petit échafaudage. Enfin les travaux sont commencés.... puis abandonnés !

L'équipe du chef Lahaye prend le relais en 1999.Heureusement que son père, retraité du bâtiment, se révèle adroit dans toutes les disciplines : il sait réellement tout faire, et à la perfection. C'est à lui, finalement, que la chapelle St Léonard doit d'avoir retrouvé un aspect de jeunesse, l'air d'une chapelle aimée. La charpente qui a pu être conservée a reçu une couverture neuve ; l'enduit intérieur est impeccablement lissé ; les dalles d'entrée sont refaites, mais il faut empêcher camions et autocars de tourner trop court quand ils font demi-tour devant la chapelle : la rue est en cul-de-sac depuis que le T G V passe à proximité.

La présidente prend le relais du conseiller souffrant : à qui est le terrain environnant ? A qui revient l'entretien de l'espace compris entre la rue, le chemin et la prairie que la S N C F a planté d'arbres ? Les statues sont-elles repeintes, les socles posés à nouveau ? Des suggestions , des renseignements sont envoyés au Maire. Le fermier voisin, si aimable et coopératif, a déplacé les engins qui enlaidissaient les abords de la chapelle ; un tas de bricaillons a été nivelé ; au printemps 2000, on peut penser à la bénédiction.

Nos Routiers se sont affairés et ont préparé une veillée comme ils savent les faire, rendant au public venu le sentiment et les souvenirs d'une jeunesse enfuie... Ils nous font chanter en canon Brave Madeleine, Matelot puisqu'il fait bon vent, Fleur d'épine... et puis de beaux chants d'inspiration religieuse entrecoupés de saynètes pleines d'entrain et de modernité ! Deux feux brûlent tout au long de la soirée, des torches embrasent la chapelle et son pourtour : c'est beau. Arrive le moment de la bénédiction : l'abbé Régis Menet évoque la multitude des chapelles que l'on peut voir dans nos villages : l'homme s'est adressé à Dieu, il veut construire une demeure à Dieu. St Léonard, St Joseph et Ste Saturnine dont les statues ornent la chapelle, appartiennent à l'immense communauté qui relie le ciel à la terre grâce à qui le monde ancien a disparu laissant la place à un ciel nouveau, à une terre nouvelle ; « à celui qui a soif, je donnerai l'eau vive gratuitement »... Puisant l'eau dans une assiette, il en asperge abondamment la chapelle et invite l'assistance à faire de même : chacun s'approche, et s'approprie ce sanctuaire comme celui-ci s'est approprié les efforts, la fatigue, le temps des uns et des autres.

Oui, il faut remercier M. et Mme Dal, M. Lahaye dont les déplacements cumulés atteignent 1500 kilomètres ! Sans parler des 46 journées prélevées sur ses loisirs et sa vie familiale ; M. Dutilleul pour la pédagogie déployée à expliquer le travail, la méthode, et pour sa rigoureuse comptabilité ; l'association propriétaire qui a assuré le financement ; et toutes les bonnes volontés à qui l'on doit le charmant fleurissement, la sonorisation... et tout ce que l'on ne sait pas. Que St Léonard, quel qu'il soit, les protège tous, et protège la chapelle des dégradations et du vandalisme.

 

Monsieur et Madame De Prat nous lurent un texte de Monsieur Jean Lemahieu, l'historien averti de Bouvines. Il était chargé de préciser l'origine de la chapelle et ce fut fait en des termes si séduisants que cette relation ne serait pas complète si ce texte n'en faisait pas partie. Le voici :

 

Que sait-on de ce François Duponchelle qui fit un jour le vœu d'ériger ici cette chapelle ?

Qu'il était le grand-père de Gabrielle Fourmentraux, elle-même grand-mère de Paul et Maurice Corman, anciens menuisiers, bien connus dans ce village de Bouvines.

Qu'il était tisserand au hameau de Melchamez où nous nous trouvons, hameau peuplé d'une centaine d'habitants au siècle dernier, autour d'une grosse exploitation agricole, la « cense de la Motte ».

Qu'il y avait beaucoup de tisserands à cette époque dans toute la région. Ils travaillaient chez eux sur un métier à tisser rudimentaire : l'otil, actionné par pédaliers, pour confectionner une chaîne de tissu en laine ou en coton. Les fils à tisser étaient disposés en « chaîne » c'est-à-dire dans le sens de la longueur et avec la navette on lançait la trame de droite à gauche et inversement pour composer ainsi le tissu.

Le métier était pénible à cause du travail incessant des bras et des jambes. Le ménage et les enfants se relayaient pour que l'otil tourne au maximum.

Le tisserand à l'otil n'était pas un ouvrier, mais un artisan et il se rendait souvent à Roubaix, voire à Lannoy ou Tourcoing à pied ou à brouette (rappelons-nous les "Broutteux" de Jules Watteux) pour se fournir en matière première.

Pourquoi François Duponchelle fit-il construire cette chapelle en l'honneur de St Léonard ?

On sait que cette chapelle a été bénite en 1856 et que François était décédé en 1855. Ayant perdu sa première épouse très jeune, de quoi ? Ayant eu deux enfants de la seconde, et sachant que St Léonard avait secouru par ses prières la reine d'Aquitaine qui avait des problèmes pour accoucher de son enfant, on peut laisser vagabonder son imagination... et peut-être, trouver là une relation de cause à effet... Bref, on n'en sait rien.

En 1856, au moment d'inaugurer cette chapelle, il n'y avait qu'un seul St Léonard connu et canonisé sous ce vocable, c'était le contemporain de Clovis et de St Rémi, Léonard de Noblat. Il y a bien un autre St Léonard, mais c'est un jeunot par rapport à l'autre, italien de surcroît, et il ne fut reconnu saint que 15 ans après la bénédiction de cette chapelle.

Pourquoi cette chapelle à cet endroit ?

A l'époque c'était un carrefour important pour les ouvriers qui allaient travailler à pied vers les villes de Lille, Roubaix et Tourcoing.

Venant de Templeuve (où il y a encore la rue de Roubaix), à droite en regardant la façade de la chapelle, ou d'Orchies, via Cysoing, à gauche ; ils descendaient ensuite la carrière des Marais jusqu'à la petite maison (où habite un descendant de François) pour emprunter la pied-sente d'Orchies qui, longeant la Pièce d'eau, le petit château et la fontaine St Pierre, aboutit toujours à la rue F. Dehau, non loin du pont.

Que dire et penser, en l'an 2000, de cette réalisation qui avait dû coûter bien cher à un homme, qu'on imagine de condition modeste !

Que de la Foi, il y en avait à revendre à l'époque.

Foi de tradition, certes, puisant ses racines dans un contexte familial et ancestral... Foi où Dieu et les saints étaient omniprésents dans la vie de tous les jours, sur les chemins et dans les demeures.

Foi reçue et à transmettre comme un bel héritage, plus souvent plus souvent que l'aboutissement d'une démarche personnelle.

Foi cadrée entre le bien et le mal, Foi de gens simples et sincères, mais Foi à toute épreuve en leur Dieu, en l'Église et en leur Patrie, comme ils l'ont prouvé, un peu plus tard, en 1914.

Longue vie donc, à cette chapelle St Léonard, merci à tous ceux et celles qui ont contribué à sa restauration et enfin, aujourd'hui, à cette même époque de l'année et en ce même lieu où pendant 150 ans les Bouvinois sont venus en procession chaque mardi des Rogations, on peut dire comme jadis : Sancte Leonarde, ora pro nobis ; et puis tant qu'à faire, comme ils sont deux : Sanctes Leonardes, orate pro nobis....

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