L’humiliation de 1870 leur donne à tous deux le
désir d’une réponse à portée de leurs moyens : avoir une
nombreuse famille.
Ils y réussissent pleinement : un premier fils,
huit filles et un dernier fils leur feront la plus belle famille qui soit,
surtout que le fils aîné entrera dans l’ordre de Saint Dominique et
Claire sera Fille de la Charité. En 1872, Félix devient le plus jeune
maire de France ; 16 ans plus tard, il est conseiller général du
canton de Cysoing. Il est fort de convictions solides et précises, très
influencé par la doctrine sociale de l’Église.
Il meurt en 1934, toujours maire de son
village : ce qui en fait le doyen des maires de France avec un mandat
long de 62 ans ! Le patrimoine est partagé entre les enfants, à
Louise restée célibataire échoit la propriété de Bouvines. Songeant
à l’avenir, Louise la propose à un ou l’autre de ses neveux qui
refuse ; elle pense alors à la fondation d’un monastère. Nous
sommes en 1945 et la famille souhaite exprimer ainsi la reconnaissance
éprouvée à la suite de la Libération du Nord de la France.
Un premier ordre monastique est sollicité mais
refuse ; l’ordre de Saint Dominique accepte. La première prieure
est mère Cécile Philippe, petite-fille du patriarche. Pour l’organisation
juridique de la propriété il a été décidé par Louise, la donatrice,
un apport à la fondation Félix Dehau, alors sous la forme d’une
société civile. Celle-ci est devenue l’association Félix Dehau,
toujours propriétaire des lieux.
En 1958-59, les bâtiments existants sont
agrandis : ils l’avaient été une première fois lorsqu’en 1868
les jeunes mariés, pleins de confiance en l’avenir, avaient élu
domicile dans la résidence secondaire de leur père. Cette fois, on
adapte la propriété aux besoins d’une
communauté qui peut accueillir une trentaine de moniales. C’est avec l’architecte
Joseph Philippe que sont édifiées la chapelle et l’aile des logements.
(Cet architecte a oeuvré également à l’abbaye de Wisques, il est l’auteur
de la Chapelle aux Arbres à Cysoing). Plus tard enfin, sont aménagées
douze chambres dans les écuries de l’ancienne propriété pour l’accueil
de retraitants ou de toutes personnes désirant vivre un ou plusieurs
jours dans le silence et le recueillement.
Les moniales présentes à Bouvines sont
contemplatives ; elles appartiennent au même ordre que les
dominicains de l’avenue Salomon à Lille. Leur vie est fraternelle, avec
une grande ouverture sur le monde ; le travail est de rigueur, il se
fait en silence : « ce silence n’est pas vide, il est rempli
de la présence de Dieu et d’une prière quasi continuelle pour le monde
entier ».
Laissons-leur la parole : « Nous sommes
actuellement dix-sept religieuses ; notre mission particulière au cœur
de l’Église, et spécialement de l’Église locale, est la prière.
Prière de louange et d’intercession, nous louons le Seigneur et nous
lui présentons les besoins et les souffrances de tous les hommes, en
particulier de ceux qui nous sont le plus proches et qui nous confient
leurs intentions… »
La messe est quotidienne, ouverte à tous ; le
dimanche, l’assistance est beaucoup plus nombreuse. Les liens sont
nombreux avec le village de Bouvines (une sœur visite les malades ou les
personnes âgées) et ceux de Cysoing et de Sainghin.
On nous dit que les grands arbres nous cachent, mais
ils sont si beaux ! Que la plaque près de la grille au bord de la
route n’est pas assez visible... mais si vous cherchez un tout petit
peu, vous trouverez, nous sommes bien là, nous prions pour vous.
Que dire de plus ? Si vous aviez pu voir les
sourires rayonnants de sœur Anne-Marie, la prieure, et de sœur Françoise,
vous sauriez qu’un monde de foi et de beauté existe bien, à Bouvines.
Maylis Jeanson avec l’aide de sœur Anne-Marie.