Les fonts baptismaux de Chéreng
(Ces fonts sont classés "monuments historiques" |
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Les fonts de Chéreng, qui sont très remarquables, ont
fait l’objet de nombreuses études. Ils proviendraient, selon C. Enlart,
des Ardennes où des exemplaires semblables se trouvent en grand nombre. L
Cloquet les tient pour mosans. On est plus porté à croire que,
fabriqués en pierre d’Ecaussines près de Tournai, ils sont l’œuvre
des ateliers des bords de l’Escaut.
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À l’exception de la semelle carrée munie de fortes
griffes aux angles, tout est cylindrique dans les fonts de Chéreng. D’abord
le pied divisé horizontalement par des cordes en relief qui rappellent
les cercles des tonneaux ; ensuite la vasque autour de laquelle sont
disposées quatre têtes sculptées.
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Très curieuses, ces têtes, tournées chacune vers un
des points de l’horizon. Celle-ci est serrée dans une chevelure
collante dont les mèches extrêmes s’enroulent derrière les oreilles
toutes menues. Le front est bas, le nez droit, la bouche vulgaire sous une
fine moustache relevée en pointe, les prunelles noires dans les orbites.
Celle-là, barbue et couronnée, a le visage barrée par une moustache
tressée comme une corde. Les autres ont de longs cheveux en bandeaux,
descendant jusqu’au cou et de grands yeux énigmatiques taillés en
amande. Ces têtes de grandeur naturelle sont intactes, sauf une qui dut
être martelée parce qu’elle portait une couronne. Quoique exécutées
presque en ronde bosse, elles ne sont pas des pièces rapportées, mais
forment avec la vasque un monolithe. Une torsade sinueuse les unit,
courant parmi les feuilles de vigne et des grappes de raisin. Ces
emblèmes, qui signifiaient chez les anciens l’amour de la vie, sont
devenus chez les Chrétiens ceux de la Grâce et de l’eucharistie. On
les retrouve plusieurs fois dans les chapiteaux de la cathédrale de
Tournai. C’est un indice de plus pour attribuer ces fonts aux ateliers
de l’Escaut.
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Quelle signification donner à ces têtes que l’on
voit, avec variantes, en maints endroits : à Gosne, à
Saint-Séverin, à Beauvrechain, à Ramscapelle près de Nieuport, à
Villers-en-Brabant, à Marche dans le Luxembourg ? Des explications
plus ou moins ingénieuses ne manquent pas. Les fleuves du paradis
terrestre ! Les évangélistes ! L’universalité du salut par
le baptême ; ces têtes regardant les quatre points cardinaux
représenteraient alors les races humaines ! Simples motifs
décoratifs. Les plus érudits y voient une réminiscence des masques
placés aux angles des sarcophages antiques. Que penser de tout
cela ? Ah ! Si les pierres pouvaient parler ! Mais il vaut
bien mieux qu’elles se taisent et laissent à chacun le plaisir d’émettre
ses pensées et de croire qu’il a raison
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E. Lotthé – Les églises de la Flandre Française, p.
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