1932 : Chéreng, mon village ! (fin)

La Mairie.

Les lois des 14, 22 décembre 1789 et 4 mars 1790 fixèrent l’organisation de nos communes modernes. Le 31 janvier et le 2 février 1790 ont lieu, à Chéreng, les élections de la première municipalité. Brice Dugauquier, curé, est nommé président de la première municipalité ; Alexandre Plancq, secrétaire ; Guillaume Desconseillers, Jacques Thieffry, J-B. Delaby sont scrutateurs. Sur 77 votants, Laurent Plancq obtient 65 suffrages, il est proclamé maire.

Sont élus officiers municipaux : Jacques Thieffries, 45 voix ; Amand Thieffry, 51 voix ; Louis Derret, 46 voix ; Isidore-Joseph Delannoy, 51 voix ; Charles-Joseph Castel, 39 voix.

Le procureur syndic : J-B. Houzet, 71 voix.

Les notables sont : Gérard Lamérand, Pierre Cocheteux, J-B. Delabie, J-B. Desreumaux, Louis Dupire, Louis Gahide, J-B. Fourmestraux, Jacques Willoquaux, J-B. Desplechin, François Dubois, Louis Marescaux, Pierre Devienne.

Cette élection est faite devant Messire Jacques-Augustin Imbert, seigneur de Chéreng.

Le 10 novembre suivant, les citoyens actifs sont de nouveau assemblés dans l’église et après qu’on eût sonné la cloche, on procéda à l’élection pour le renouvellement de deux officiers municipaux et de six notables, sous la présidence de Brice Dugauquier, curé. Amand Thieffries et J-B. Thieffries sont élus officiers municipaux.

Guillaume Desconseillers, Jacques Desbouvries, Louis Carette, Ernest Delannoy et Jacques Willoquaux sont élus notables.

Seuls prennent part au vote les citoyens actifs, c’est-à-dire ceux payant une contribution équivalente à trois journées de travail.

Laurent-Joseph Plancq, notre premier maire, avait été baptisé à Chéreng le 27 septembre 1735, fils d’Alexandre Plancq, bailli, maître de la Poste aux chevaux au Pont-à-Tressin. Il resta célibataire, habita l’importante ferme de la Poste (ferme Droulers),[1] s’occupa de culture et du service des relais avec ses frères, jusqu’aux jours sombres de la Terreur. Croyant alors trouver dans les Pays-Bas autrichiens le calme et la paix dont les honnêtes gens ne jouissaient plus sur le sol de la mère patrie, il émigra avec son frère Alexandre. Mais bientôt, lors de l’avance des troupes républicaines, ils sont arrêtés tous deux et traduits devant le tribunal criminel militaire du 1er arrondissement de l’Armée du Nord, qui les acquitte, les remet en liberté, à condition qu’ils aillent produire au Directoire du District de Lille le certificat de travail exigé par la loi du 22 nivôse an III, relative à la rentrée des ouvriers et cultivateurs. Ce n’est qu’après maintes difficultés que le Directeur du District de Lille arrête que « provisoirement les dits Laurent et Alexandre Plancq ne sont pas réputés émigrés » et qu’il sera pris des renseignements ultérieurs. Le premier maire de Chéreng est décédé le 26 avril 1818, à l’âge de 83 ans.

Amand-Joseph Thieffry, second maire, né en 1755, était laboureur et marchand de fil. Il remplit les fonctions de pauvrisseur en 1789-90. En 1792, il est élu maire. C’est en vain qu’il essaya, pour obéir aux décrets, d’organiser la Garde Nationale dans la commune. En l’an V, il est élu agent municipal, membre de l’organisation cantonale de Lannoy. Il est décédé le 23 nivôse an XII, âgé de 49 ans.

Pour maintenir le jacobinisme dans les communes, on créa le 21 mars 1793 les « comités de surveillance ». À Chéreng, un nommé Félix Delporte, né à Toufflers en 1754, tourneur de profession, en est président ; il est assisté par Auguste-Joseph Thieffry, Hespel, Carpentier, L. Desbouvries, L. Lamérand, J-B. Delabie, Hubert Thieffry, J-J. Oudart.

En l’an II, F. Rousseau est agent national dans la commune.

Pierre-François Wauquier, troisième maire, né à Chéreng Empire, en 1753, était l’aîné des huit enfants du lieutenant de l’Empire. Wauquier sera, non seulement comme Thieffry son prédécesseur, maire de Chéreng envahi, mais encore maire de la reconstitution : d’après l’état dressé par la municipalité, les pertes subies par les habitants de Chéreng de la part des Autrichiens, s’élèvent à 11 967 livres 11 sols pour 134 sinistrés, parmi lesquels les plus éprouvés sont la veuve J-B. Duquennoy, 977 livres ; J-B. Carette, 600 livres ; Louis Derret, 665 livres ; L. Bottin, 584 livres ; Laurent Plancq, 316 livres ; G. des Mulliez, 424 livres ; P-J. Thieffries, 240 livres ; Ch-J. Castel, 306 livres ; Jacques Willoquaux, 270 livres ; Louis Marescaux, 125 livres ; Jacques Prévost, 225, etc… Une somme de 3 922 l 10 s 4 d est accordée comme avance, elle devra être répartie « en proportion des pertes et des besoins des habitans pillés dont le civisme sera reconnu et garanti ». Wauquier adresse requête sur requête pour obtenir de nouveaux fonds et explique les pillages des 15 et 17 avril 1793, le vol de 22 vaches laitières, de meubles, etc., commis le 18 par les troupes ennemies.

C’est Wauquier qui demandera à Brice Dugauquier de reprendre du service dans la paroisse, en juin 1793. Peu après avec ses officiers municipaux il quitte Chéreng et se réfugie à Lille. Lorsqu’il sera rentré dans la commune, il s’occupera derechef des pertes subies par ses concitoyens.

En l’an III, les administrations communales sont bouleversées, la municipalité cantonale de Lannoy est créée. Chéreng y est successivement représenté par Amand-Joseph Thieffry, Théodore Stien, Hue, Isidore-Joseph Delannoy.

La loi du 28 pluviôse an VIII, institua à nouveau les administrations communales, mais les maires sont désormais nommés par le préfet.

Isidore-Joseph Delannoy, né à Chéreng en 1770, cultivateur, puis « huilier », quatrième maire, resta en fonctions jusqu’à pluviôse an IX. Conseiller municipal ensuite durant un quart de siècle, il quittera la chose publique avec Th. Stien, en 1831. Il est décédé le 24 juin 1843. (Sa ferme, située rue de l’église, à gauche, a été transformée en petites maisons).

Charles-Joseph Castel, né à Hellemmes, en 1753, cinquième maire, de pluviôse an IX au 10 juillet 1806. Il est décédé le 18 décembre 1811.

Théodore-Joseph Stien, né à Anstaing en 1767, laboureur, épouse, le 4 germinal an II, à Chéreng, où il habitait déjà, Louis-Bernardine Desmont. Il est à remarquer que le nom de famille est souvent orthographié Stienne, tandis que Théodore et autres signent Stien, ce qui nous indiquerait la prononciation du nom il y a un siècle. Après avoir été agent municipal à Lannoy, en l’an IV, Stien fut nommé maire le 26 juillet 1806, puis nommé de nouveau après la Restauration, mais (bien qu’il ait prêté serment de fidélité à Louis-Philippe), le préfet lui donnera un successeur le 6 décembre 1831.

J-B. Fournier et Eugène Wauquier furent ses adjoints fidèles, ce dernier pendant onze ans.

Stien s’est occupé d’une façon active des affaires du village. En de nombreuses circonstances, il réclama des pouvoirs publics aide et assistance pour les pauvres de sa commune. L’instruction de la jeunesse fut l’objet de ses constantes préoccupations. Durant sa longue administration, il s’était attiré bien des sympathies et lorsqu’il abandonna son poste, le conseil municipal tout entier lui témoigna sa gratitude et Eugène Wauquier, son adjoint, démissionna.

Louis Quint, né le 29 mars 1791. La famille Quint est originaire d’Hem, au XVIIIe siècle, ce nom est orthographié Kint, Kin, Quein, Quin… L’aïeul de notre maire vint s’installer à Chéreng pour exercer la profession de « couvreur de pail ».

Nommé maire le 6 décembre 1831, Quint a pour adjoint d’abord Louis-Désiré Bouchery, puis J-B. Duquennoy-Agache. Dans son administration, il rencontra de nombreuses difficultés au sujet de l’école et de l’instituteur, puis au sujet du garde champêtre, pour la défense duquel le conseil municipal presque complet se dressa contre le maire… honor, onus !

Louis-Désiré-Joseph Bouchery, nommé maire par décret préfectoral du 16 septembre 1840. Avec un zèle infatigable, Bouchery se dépense pour le bien-être de ses concitoyens : les pauvres sont surtout l’objet de sa sollicitude. Charitable et généreux lorsqu’il dirige les affaires publiques, Bouchery ne se démentira jamais dans la vie privée. Les déshérités connurent bien à l’époque le chemin de la cense de la Poste (la ferme des Plancq au Pont, qui devint ensuite la propriété Droulers). Le 17 avril 1848, il plante l’arbre de la liberté sur la place, près de l’abreuvoir. Le 5 décembre 1852, il organise de grandes réjouissances à l’occasion de la proclamation de l’Empire… Ses funérailles furent imposantes : les sapeurs pompiers, aux tabliers de cuir, aux grands shakos à poils, voulurent tous être présents près de la dépouille du fondateur et protecteur de leur société ; la musique, les corps constitués, toute la population, une foule innombrable d’étrangers firent au maire regretté, au vieillard intègre, un immense cortège.

Jules-Clotaire Duquennoy, né à Chéreng le 25 novembre 1824, fut nommé maire à la suite de la démission de Bouchery, le 7 avril 1854. Administrateur sage et prudent, nature franche et droite, c’était l’homme le plus accueillant qu’on puisse rencontrer ; soutenu sans défaillance par ses amis, il était respecté de tous ses adversaires politiques. La population lui fit des fêtes splendides le 17 avril 1904, lors de son cinquantenaire de maire et lorsque, doyen des maires du canton de Lannoy, il s’éteignit à 85 ans, le 27 janvier 1910, il n’y eut qu’une voix pour déplorer ce malheur… Le 7 juin 1914 eut lieu l’inauguration du monument élevé à sa mémoire.

En 1867, Clotaire Duquennoy et son beau-frère, Donat Leclercq, fondèrent le tissage « d’en haut ». Durant près de vingt ans, ils y firent battre 45 métiers. En 1884, l’association fut dissoute, l’usine resta à Donat Leclercq, puis passa à MM. Fauchille et Ponteville qui lui firent subir de nombreux agrandissements et aménagements. Le tissage de l’Autour fut mis en marche en avril 1885, par Jules Duquennoy et Romain Lepers-Duquennoy. Près de 300 métiers Wilson et Longbotton battirent à la satisfaction de tous, patrons et ouvriers, jusqu’aux jours néfastes de la guerre.

Monument à Clotaire Duquennoy

Romain Lepers-Duquennoy, né à Roubaix le 27 décembre 1857. Élu conseiller d’arrondissement le 7 avril 1907. Maire de Chéreng du 27 février 1910 au 5 mai 1929, il fut toujours « the right man in the right way ». Homme de devoir et de conscience, il sut en toutes circonstances prendre ses responsa-bilités. Durant la grande guerre, il fut enlevé comme otage, puis révoqué à deux reprises par l’autorité allemande. Il est décédé à Chéreng le 3 novembre 1929.

M. Louis Carette-Thieffry fut son adjoint fidèle.

Pierre Lepers-Crespel, élu maire en 1929, est assisté dans l’administration de la commune par M. Pierre Despretz, adjoint, MM. Oscar Béarez, Jules Couque, Henri Deffrennes, J-B. Deffrennes, docteur Léon Desconseillez, Alphonse Dujardin, Alphonse Ghestem, Léon Leuridan, Henri Noé, Louis Ochin, Charles Stratmains, Henri Thieffry, J-B. Thieffry, Jean Willoquaux, conseillers.

Les officiers publics ou secrétaires de mairie furent successivement Auguste Vandevoorde, les curés Stalars, Paillez, Potin, Ghémar, l’instituteur Courier, Damien Fruit (1869-1901), M. J-B. Chantreau, de 1901 à 1929, M. Henri Dhélin, en exercice.

Les gardes champêtres créés par les lois du 28 septembre et 6 octobre 1791 furent : Lamérand, Jean Vanhoutte, dès 1808 qui, au son du tambour, durant près de 30 ans, annonça, juché sur une pierre, les arrêtés du maire, les ventes et autres nouvelles, à la sortie de la messe paroissiale, et touchait, pour exercer sa vigilance sur les communes de Chéreng et Tressin, la somme de 250 frs annuellement.

En 1836, Victor Mousin est nommé garde messier pour le temps de la moisson. Dujardin entre en fonction le 20 novembre 1836. En 1840, il est aidé par Martial Catteau. Après avoir été garde champêtre durant un demi-siècle, Dujardin prend sa retraite, il est décédé en 1888. Lambert Delerue, 1852-1919. La commune possède aujourd’hui Arsène Droissart, né à Anstaing le 21 février 1894, grand mutilé de guerre, chevalier de la Légion d’honneur, dont le dévouement est connu de tous.

Avant de mettre le point final à cette page sur la mairie de Chéreng, nous nous demandons quand donc les premiers magistrats de notre commune observeront-ils les arrêtés du 3 messidor et 17 floréal an VIII, l’Ordonnance royale du 18 septembre 1830, la circulaire ministérielle du 26 février 1849 et le décret du 1er mars 1852 ?… Voici ce que précise ce dernier décret pour la grande tenue du maire de Chéreng comme de tout autre : « Habit bleu ; broderie en argent ; branche d’olivier au collet, parements et taille ; baguette au bord de l’habit ; gilet blanc ; pantalon blanc ; chapeau français à plumes noires, ganse brodée en argent ; épée argentée à poignée de nacre, écharpe tricolore avec glands à franges d’or »… Mais (c’est d’autant plus regrettable en ce jour de fête à Chéreng) les maires furent toujours laissés libres de porter ou non leur uniforme…

 

J’ai feuilleté avec toi, lecteur, quelques pages du livre d’or de Chéreng mon village… il en est d’autres, beaucoup d’autres et des plus intéressantes, mais je ne puis tout dire… Aujourd’hui même, les jeunes gymnastes, par leur discipline et leur ardeur, n’écrivent-ils pas une page bien belle de l’Histoire de Chéreng… Au-dessus de leur vaillante société, planent deux souvenirs très chers : celui du curé-fondateur, le vénérable Monsieur Flipo, et celui du premier Président. … Mourir à 23 ans ! … à l’âge des illusions… quand la fortune sourit… tandis que pour les autres tout est rose dans la vie… quand l’adolescent devenu homme rêve d’idéal et se sent capable de toute entreprendre pour le Beau, pour le Bien, pour le Vrai !…

Jules Duquennoy eut parfaitement rempli sa mission ici-bas : il eut fait peu de bruit, il eut fait grand bien. La bonté était peinte sur son visage. Son âme était noble et généreuse : ils le savaient bien les ouvriers de ses champs qu’il aimait plus que tous les autres, ils le savaient bien les jeunes gymnastes de Chéreng dont il était l’ami inlassablement dévoué… il s’éteignit le 27 janvier 1925… In Pace !

M. Marcel Despretz, son digne successeur, est second président des jeunes gymnastes… Ad multos annos&nbs