Le fief du Coulombier

Le Coulombier

La cense du Coulombier (ferme Despatures de nos jours) est comme bâtiments l’une des plus importantes en son genre de notre région.

Le Coulombier à Gruson était un fief tenu de la seigneurie de Templeuve-en-Dossemez à 10 livres de relief. Il contenait une ferme avec 16 bonniers de terres labourables.

Le colombier qui se dresse au centre de la cour porte la date de 1688. Qu’on nous permette de dire quelques mots sur ce droit seigneurial de posséder des pigeons.

Les coulombiers comme celui de Gruson ou « coulombiers à pied », construits entièrement en briques ou en pierres du haut en bas, étaient, avant la Révolution, le privilège des seigneurs haut justiciers ou ayant censives et possédant au moins 50 arpents de terre. Ce privilège était si important qu’à Gruson il donna son nom au fief lui-même.

Au fait, la petite noblesse ne pouvait posséder qu’une « fuie » ou pigeonnier construit sur piliers de bois.

Le décret du 4 août 1789 abolit « le droit exclusif » des fuies et des colombiers (il y en avait 42.000 en France à cette époque).

Le vilain, qui se permettait jadis de tuer un pigeon était frappé d’une forte amende.

La conservation du « Coulombier », véritable monument historique de Gruson, témoin d’un âge qui n’est plus et de privilèges disparus depuis cent cinquante ans, est d’une absolue nécessité, pour le pittoresque historique du village : il dira aux générations qui viennent une page non des moins curieuses de notre histoire locale.

La Bergerie de la cense du Coulornbier date de 1764, la grande grange de 1767.

Au-dessus de la porte cochère se trouve un écu en losange (ce qui indique la propriété d’une demoiselle) surmonté d’une couronne de comte avec millésime 1760.

En 1728, ce fief appartenait à l’aîné des fils du comte de Corroy, Joseph-Ignace de Nassau.

Plus tard, il passa entre les mains de Joseph-Chrétien-Michel-Anaclet Le Maistre, écuyer seigneur d’Anstaing, Gruson, La Hamayde, Eplechin, Le Brefay, qui s’intitule aussi seigneur du Coulombier. Il est décédé à Lille le 25 novembre 1748. Son épouse Isabelle Jacobs dame de Willems, le Frénoy, Robigeux, la Haute Anglée, etc., est décédée à Lille, le 14 avril 1785. Tous deux furent inhumés eu l’église d’Anstaing. Nous les avons vus plus haut.

Après avoir subi les vicissitudes de la Révolution, le Coulombier devint la propriété de la famille de Guémy. Émile de Guémy, juge au tribunal de Lille, le laissa en héritage à son neveu, M. de Froissy, qui le vendit en 1926 à Mademoiselle Desreumaux, de Roubaix.

« Le Chemin du Coulombier » ou chemin de Gruson à Bouvines, aboutit au « Chemin de la Justice ».

« Là, dit M. le chanoine Bataille, dans son Histoire sur Cysoing, se trouvait un fief de 41 bonniers XIII cens. C’est dans l’intersection du Chemin de Cysoing à Bouvines et du Chemin de la Justice que se trouvait le lieu patibulaire, où la Justice à III piliers de Cysoing qu’on appelait aussi les « Fourques ». C’est là que le « pendeur » de Lille exécutait les criminels condamnés à mort par la Justice de Cysoing ».

Lorsqu’en 1825, Jean-Joseph Despatures devint censier du Coulombier, il succédait à X. Plancq, son beau-frère. Après lui, habitèrent l’importante ferme : Louis Despatures-Chuffart, Charles Despatures-Waymel, Germain Despatures-Buisset...

La culture aujourd’hui comprend 22 hectares.

La famille Despatures est originaire de Marcq-en-Barœul : elle donna à l’Église un évêque missionnaire.

A Gruson, le 4 juillet 1873, naquit Maurice-Benoit Despatures, à qui la Providence réservait une noble carrière. Après de sérieuses études au Collège Notre-Dame de la Tombe, à Kain, le jeune Maurice entra au séminaire des Missions étrangères à Paris, en septembre 1892.

Le 26 juin 1897, il fut ordonné prêtre. Le 27 août suivant, il partit pour l’Hindoustan, s’initia à la vie apostolique d’abord à Kolar Goldfields, ensuite à Shimoga. Bientôt, ses supérieurs voyant en lui un sujet d’élite, le nommèrent administrateur du district de Chickmagahur et le placèrent dans le courant de 1903 à la tête de l’importante paroisse de Mysore.

Mais Dieu destinait notre missionnaire grusonnois à une plus haute mission : le 28 octobre 1922, en la Cathédrale Saint-Patrice, de Bangalore (Hindoustan), le R. P. Maurice-Benoît Despatures recevait la consécration épiscopale des mains de Mgr Pisani, délégué apostolique, assisté de N.N. S.S. Roy et Chapuis, évêques de Coimbatore et de Kumbakonan : il était nomme évêque de Mysore, il allait avoir de quoi exercer son zèle.

Le diocèse de Mysore comprend un vaste territoire de l’État indien dont la population approche six millions d’habitants.

Sa Grandeur eut à s’occuper de l’organisation de ce nouveau diocèse. Elle dut construire la cathédrale, le séminaire, l’évêché etc.

Elle eut la consolation de voir son ministère fécond : des sympathies inattendues lui vinrent de toutes parts.

Nous lisons dans le Bulletin de la Société des Missions étrangères que le 28 octobre 1933, le Maharadjah de Mysore, païen, sectateur de l’hindouisme, a posé solennellement la première pierre d’une nouvelle église dédiée à sainte Philomène. « Venu avec toute la pompe officielle, entouré de toute sa cour, reçu par Mgr Despatures, le souverain prononça une allocution étonnante dans la bouche d’un païen. Puis Mgr Despatures procéda à la bénédiction de la première pierre et cette cérémonie fil une impression profonde sur le maharadjah et son entourage qui, pour la première fois, avaient sous leurs yeux un aperçu des grandeurs de la liturgie catholique ».

Armoiries de Mgr Despatures Mgr Despatures en Inde

La vie de missionnaire offre parfois des situations tragiques et tout à fait inattendues : le 7 mars 1933, à 200 mètres de distance, près de Mysore, un terrible crocodile fut tué. Quel que soit le rang où les élève la Providence, les grandes âmes conservent leur bonne simplicité. Grusonnois, Mgr Despatures le reste de cœur et bien souvent il pense à son petit village de Pévèle, à sa chère famille : en voici une preuve charmante ci-dessus.

Mgr Despatures au cimetière de Gruson

Cet attachement, Monseigneur le prouve à chacun de ses voyages en Europe.

En 1919, 1925, 1930, 1935, sa plus grande joie fut de retrouver son petit Gruson, de rentrer dans cette vieille cense où, entouré d’affection, il coula jadis des jours heureux, de parcourir solitaire les rues et les sentiers pleins des souvenirs de son enfance, de célébrer la messe en cette église ou, jeune homme, il entendit l’appel divin. En 1930 et en 1935, il tint à officier et à prêcher lui-même le jour des communions solennelles. Maintes fois, durant ses séjours, il fit au cimetière de pieux pèlerinages sur la tombe de ses parents et de sa sœur bien aimés.

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