La gigantesque bataille qui, en 1214, bouleversa le
sort de nos pères flamands et qu’on a coutume d’appeler la bataille
de Bouvines, se déroula en partie sur le territoire de Gruson c’est
ici, en effet, qu’eut lieu la formidable rencontre entre l’aile gauche
de l’armée française et l’aile droite des confédérés.
Le comte de Ponthieu, le comte de Dreux et leurs
chevaliers, avec les milices du pays combattant le comte de Salisbury et
ses anglais. Ces derniers semblent d’abord vainqueurs, le comte de Dreux
est menacé. Le frère de celui-ci, Philippe, évêque de Beauvais,
intervient alors et veut sauver son frère. Emporté par la fureur
guerrière, il se précipite dans la mêlée et d’un coup de masse d’arme,
il abat le gigantesque comte de Salisbury. Ses compagnons l’imitent et
enfoncent le corps anglais..
En l’église de Bouvines, un vitrail représente
Philippe de Dreux à cheval devant son ennemi étendu à ses pieds, il le
désigne à Jean de Nivelles, châtelain de Bruges, qui le fait
prisonnier. Or, cette scène mémorable se passa au bord des marais de la
Marque, les Marais d’Infières.
Le front des armées s’étendait des marécages de
la Marque à la bordure du village de Wannehain.
Sur les rives du fleuve, les alluvions s’étendaient
au large, et l’on pense bien que les Français avaient détruit les
ponts de Chéreng et d’Anstaing, puisqu’ils se servaient du Pont de
Bouvines lorsqu’avant la bataille ils marchaient du camp de Tournai sur
Lille. A l’époque, le chemin de Tournai à Lille était Cysoing,
Sainghin, Lezennes.
Ce n’est que vers 1785 que les États de la Flandre
Wallonne, dans le but de dessécher les immenses marécages, firent
recreuser la rivière, après avoir ordonné la destruction du Moulin à
eau de Tressin, cause première des inondations des bas terrains.
Selon toute apparence, le village de Gruson fut
occupé par des corps légers français durant l’action.
L’aile gauche française s’appuyait sur la Marque
quasi infranchissable. Le comte de Boulogne, Renaud de Dammartin, qui
commandait l’aile droite de l’armée impériale, se trouvait avec les
anglais et la cavalerie allemande au nord de Gruson, vers Chéreng. Le
choc des armées fut terrible, le sang coula abondamment sur le sol de
Gruson... « Finablement l’effusion de sang fut sy grande, et l’exécution
de la bataille tant cruelle, qu’il n’y avoit costes d’armes,
caparaçon harnois de cheval, enseigne, guidon ny autre devise, de quy on
peut recongnoistre les couleurs, estants toutes surtaintes de vermeel, et
estoyent les soldats sy meslez les uns avec les autres que l’on ne les
eust sceu discerner, sans leurs cris ».
Une croyance populaire veut que les nobles guerriers
tombés à Bouvines furent enterrés sur l’autre rive de la Marque, à l’endroit
du Mont des Tombes. Ce tumulus, qui se trouve sur le territoire de
Sainghin, fut bien élevé par la main des hommes, mais malgré son nom,
rien ne prouve qu’il soit un tombeau.
Durant la guerre entre Philippe-le-Bel et le Comte de
Flandre, Gruson vit encore bien des passages de troupes et les bords de la
rivière furent encore ensanglantés.
Lorsque François 1er occupa Cysoing, Gruson eut
encore à pâtir.
Lors de la prise de Lille par Louis XIV et de la
reprise par le prince Eugène de Savoie, Gruson connut tous les ennuis de
l’occupation.
La tradition rapporte qu’à cette époque le
village fut menacé d’incendie et de complète destruction. Ce fut,
dit-on, Pierre-François Serrurier, ancêtre maternel d’Emérance Duez,
dame Pottier, qui offrit la rançon exigée, lourde rançon de 600 lb.
Peu avant la bataille de Fontenoy, 1744, Louis XV
vint s’installer à l’Abbaye de Cysoing... les Grusonnois, certes,
purent admirer la pompe de la Cour, mais eurent aussi l’ennui de loger
la troupe...
L’élégante pyramide de Cysoing, monument
historique trop peu connu, rappelle ce passage de Louis le bien aimé.
Le 7 juin 1793 les troupes alliées viennent s’installer
à l’est de la Marque, elles établissent un vaste camp fortifié dans
la plaine de Cysoing. Gruson, Chéreng, Willems se trouvent dans les
avant-postes nord.
Des cuirassiers prussiens, commandés par Von
der Golz, occupent notre village, mais le 27 août les français s’emparent
de Cysoing et repoussent les allemands vers Tournai, ceux-ci par une
contre-attaque reprennent le même jour le camp de Cysoing.
Les prussiens sont alors remplacés par des
autrichiens. L’attaque des troupes française, le 25 octobre, force les
occupants à se retirer... C’est alors que les conventionnels, suivant
les armées républicaines, vinrent incendier l’Abbaye de Cysoing :
incendie stupide et criminel.
Le 30 octobre, les autrichiens, commandés par le
prince de Cobourg, reprennent le camp de Cysoing: ils y resteront jusqu’au
début de juillet 1794.
C’est à cette époque de l’occupation de Gruson
par les alliés que se rapporte un fait à nous conté par feu
Charles-Henri Decalonne. Son aïeule se trouvait au seuil de la porte de
la ferme, un uhlan passe, l’interpelle.., la bonne femme ne comprend
pas, elle fait un signe.., la brute se fâche, tire son sabre, tente de la
frapper, et il l’eût balafrée si l’extrémité de la lame n’était
venu buter sur le linteau… ils n’ont point changé !!