Saint Gengoul, martyr

760. Pape Paul ler – Roi de France : de Pépin le Bref.

(Gengou, Gengous, Gigou, Genf, Gandoul, Gingolph, Gangulfus, et en Allemagne, Golf).

Cliquer pour agrandir Saint Gengoul était d’une maison très illustre de Bourgogne, ses parents qui n’avaient pas moins de vertus que de richesses, eurent grand soin de son éducation. Il passa son enfance et les premières années de sa jeunesse dans une parfaite innocence, joignant à l’étude des lettres, où il réussit extrêmement les exercices de la piété chrétienne. Il n’y avait rien de si honnête ni de si pudique que lui : il fuyait la compagnie des libertins et la vue de tous les objets qui pouvaient ternir la fleur de sa chasteté. Son plaisir était de visiter les églises, d’entendre la parole de Dieu, de la méditer dans le secret de son cœur, et de lire les livres spirituels capables de l’instruire des pures maximes de l’Évangile. On n’entendait jamais sortir de sa bouche des paroles indiscrètes, ni mêmes inutiles. Son visage, par sa modestie, inspirait à la dévotion à ceux qui avaient le bonheur de l’entretenir.

Ses parents étant morts, il se vit maître de beaucoup de terres et de seigneuries mais, bien loin de dissiper ces biens par des dépenses criminelles ou superflues, il les administra avec autant de prudence et de sagesse que s’il eût été un vieillard consommé dans l’art de l’économie et du gouvernement domestique. Les églises et les pauvres y eurent beaucoup de part, et il crut qu’il ne pouvait témoigner sa reconnaissance envers Dieu, qui lui avait donné ces richesses, qu’en lui en rendant une partir par l’assistance de ses ministres et de ceux dont il veut que nous considérions l’indigence comme semblable à la sienne propre.

Étant en âge de se marier, il prit une femme qui était aussi d’une maison noble et riche, mais elle lui convenait peu d’ailleurs pour les qualités de l’esprit et du cœur ; elle n’avait point la piété de notre saint ; elle était vaniteuse, mondaine, légère. Dieu permit une société si inégale pour éprouver la vertu de son serviteur et le purifier dans le creuset des afflictions.

Gengoul, qui était un des principaux seigneurs de Bourgogne et qui avait beaucoup de bravoure prit une grande part aux guerres nombreuses que fit le roi Pépin le Bref ; il passa pour avoir prêté le secours du bras séculier à la prédication de l’Évangile dans la Frise ; ce qui expliquerait la dévotion dont il a été et est encore l’objet en Hollande.

Pépin l’estimait singulièrement à cause de ses beaux faits d’armes et de sa sainteté, qu’il vit éclater même par des prodiges. Il l’aimait tant, qu’il le faisait coucher dans sa tente. Un soir, quand ils furent tous deux au lit, la lampe, qu’on avait éteinte, se ralluma. Le roi, s’étant réveillé, fut surpris de cette lumière, il se leva et souffla la lampe, qui se ralluma encore ; le prodige se renouvela trois fois et convainquit Pépin qu’un saint reposait dans sa tente.

L’histoire de Gengoul raconte une merveille bien plus extraordinaire ; il s’en retournait en Bourgogne pour s’y reposer des fatigues de la guerre, en passant par le Bassigny il s’arrêta dans un endroit délicieux, pour y prendre sa réfection : c’était sur le bord d’une fontaine dont les eaux étaient très belles et excellentes. Il l’acheta et la paya à celui qui en était le possesseur. Dieu voulut punir l’avarice de ce dernier, car il croyait bien avoir à la fois la fontaine et son prix, ne voyant pas comment le Saint pourrait la transporter dans ses terres. Gengoul, arrivé à Varennes, sa résidence habituelle, ficha son bâton dans la terre et en fit sortir une magnifique fontaine : c’était celle qu’il avait achetée, car elle cessa d’exister dans la terre du vendeur avare.

Nous l’avons déjà dit, Notre Seigneur destinait Gengoul à être un grand modèle de patience, un autre Tobie, un autre Job.

Sa femme se moquait de sa piété, insultait à ses vertus ; à la fin, elle lui devint infidèle. Le Saint, s’en étant aperçu, fut plongé dans une vive douleur et une grande perplexité, trouvant également pénible et funeste de punir ce crime et de le laisser impuni. Il était toujours dans cet embarras, lorsqu’un jour, se promenant seul avec la coupable, il lui dit : « Il y a longtemps qu’il court des bruits contre votre honneur. Je n’ai pas voulu vous en parler avant de savoir s’ils étaient fondés, mais aujourd’hui, il ne m’est plus permis de garder le silence : je vous rappelle donc qu’une femme n’a rien de plus cher au monde que son honneur ; elle doit tout faire pour le conserver ou le recouvrer. »

Cette misérable épouse lui répondit avec insolence qu’il n’y avait rien de plus injuste que les bruits qu’on faisait courir contre elle ; elle lui avait gardé sa foi jusqu’alors et elle la lui garderait toujours ; il était malheureux pour elle d’être victime de telles calomnies. »

« S’il en est ainsi, réplique le Saint, voici une eau limpide et qui n’est ni assez chaude, ni assez froide pour nuire (ils étaient alors sur le bord d’une fontaine). Plongez-y votre bras : si vous n’en éprouvez aucun mal, vous serez innocente à mes yeux. »

La coupable, considérant cette épreuve comme un trait de la simplicité de son mari, s’empressa de fournir un témoignage si facile de son innocence, et plongea son bras dans l’eau jusqu’au coude. Elle fut bien surprise quand, à mesure qu’elle l’en retira, la peau, se détachant comme si on l’eût écorchée, vint prendre jusqu’au bout de ses doigts, d’une manière horrible : elle ressentit des douleurs excessives. Confuse, interdite, elle n’osait plus lever les yeux vers son mari, et néanmoins, l’orgueil l’empêchant encore de s’avouer coupable et de demander pardon, elle demeura dans un honteux silence, à l’exception des cris que la douleur lui arrachait.

Alors Gengoul lui dit : « Je pourrais vous livrer à toute la sévérité de la loi ; mais j’aime mieux vous laisser la liberté d’expier vous-même, dans la pénitence et les larmes, l’adultère dont le ciel vient de vous convaincre. Cependant je ne demeurerai pas plus longtemps avec vous ; retirez-vous dans la terre que je vous ai affecté pour votre domaine, tâchez d’y apaiser la colère de Dieu justement irrité contre vous, compensez par des bonnes œuvres les iniquités que vous avez commises ; et, pour moi, je me retirerai aussi, afin que la compagnie d’une adultères ne me fasse pas participant de son crime. »

Ainsi saint Gengoul mit sa femme dans une de ses seigneuries, et lui assigna un certain revenu pour sa subsistance, lui, de son côté, se retira dans un château qu’il avait auprès d’Avallon, ville de Bourgogne, sur le Cussin, entre Auxerre et Autun. De là, il continua à veiller sur la conduite de celle que son infidélité avait rendue indigne de ses soins : il l’exhortait souvent, par lettres, à rentre en elle-même et à expier ses fautes passées par une meilleure vie. Mais ses remontrances furent fort inutiles. Cette femme libertine, se voyant séparée de son mari, en profita pour continuer ses désordres.

Elle ne se contenta pas de vivre publiquement dans l’adultère, mais, craignant que son mari ne donnât tous ses biens aux pauvres, à qui il faisait déjà de grandes aumônes, ou même ne la punît selon toute la rigueur des lois, elle résolut sa mort, avec le complice de ses désordres, qui se chargea de l’exécution. Cet assassin se rend donc secrètement à la résidence de Gengoul, et, ayant trouvé le moyen d’entrer dans sa chambre lorsqu’il était seul et encore couché, prend l’épée qui était pendue près son chevet et lève le bras pour lui en décharger un grand coup sur la tête. Mais Gengoul, s’étant réveillé en ce moment, pare le coup, qui le frappe seulement sur la cuisse. La blessure était néanmoins mortelle. Le Martyr de la justice et de la chasteté eut le temps de recevoir les derniers Sacrements avant de s’endormir dans le Seigneur le 11 mai 760.

Il avait deux tantes d’une insigne vertu, qu’il avait laissées à Varennes : l’une s’appelait Villetrude et l’autre Villegose. Ces saintes femmes, ayant appris la mort de leur neveu, souhaitèrent que son corps fut enterré en l’église de leur bourg : c’était d’autant plus juste, qu’il en était le fondateur, et qu’il avait donné de grands revenus pour l’entretien des clercs qui la desservaient. Elles prirent avec elles tout le clergé, et, encore suivies d’une partie des habitants, elles se transportèrent en diligence au lieu où il était décédé. On ne put pas leur refuser son corps : il fut donc conduit à Varennes avec beaucoup de solennité et au milieu des flambeaux et des chants ecclésiastiques, qui ne discontinuèrent point pendant tout ce chemin, qui est de plusieurs lieues. Ce qui rendit cette pompe funèbre fort éclatante, ce fut que saint Gengoul fit paraître, par plusieurs miracles, la gloire de son âme dans le ciel.

Dieu continua à manifester par de nombreux miracles la vertu et la sainteté du Martyr. La France, les Pays-Bas, l’Allemagne lui élevèrent des autels. La Suisse plaça sous son invocation plusieurs de ses églises ; et, au pied des Alpes, sur le bord du lac de Genève, dans le diocèse d’Annecy, un village porte le nom de saint Gengolph, est dédié à saint Gengoul.

Au reste, le meurtre de saint Gengoul ne demeura pas impuni : l’adultère qui l’avait assassiné, étant retourné vers son infâme maîtresse pour lui donner avis de son homicide, fut saisi sur-le-champ de violentes coliques et mourut dans un lieu digne de lui, au milieu des plus atroces douleurs. La femme du Saint, qui ajouta à ses crimes celui de se moquer de ses miracles, fut châtiée par une incommodité honteuse qui lui dura toute la vie.

On représente saint Gengoul en costume de baron, armé de toutes pièces, avec une croix sur son écu, la main posée sur la garde de son épée, dont la pointe fait sortir de terre une source. Saint Gengoul est l’un des patrons de Harlem, en Hollande, de Florennes, dans la province de Namur, de Toul, de Varennes, en Champagne, de Montreuil-sur-mer, etc.

Il est spécialement invoqué par les mal mariés.

Reliques de saint Gengoul

Les saintes reliques furent dans la suite transférées à Langres, où une église des Carmélites a porté son nom. Beaucoup d’autres lieux se glorifient d’en posséder ou d’en avoir autrefois possédé quelque partie surtout la ville de Florennes, près de Philippeville, où Gérard, chanoine de Reims et depuis évêque de Cambrai, fit bâtir une célèbre maison en l’honneur de cet illustre martyr. Elle fut d’abord occupée par des chanoines, puis par des religieux.

Les miracles qui s’y firent ont été décrits par Gouzon, qui en avait été le quatrième abbé.

Me Henriot, curé de Varennes, nous écrivait, le 23 décembre 1858 : « L’église de Varennes n’a qu’une parcelle d’ossements de saint Gengoul. M. l’abbé Carré en possède une plus grande, mais qu’on ne peut considérer comme insigne. L’évêché de Langres a un fragment considérable de la cotte de mailles du Saint. M. le curé de Loges possède aussi un fragment de cette cotte de mailles. Voilà tout ce qu’on sait des reliques.

La fontaine de saint Gengoul est dans la crypte d’une chapelle autrefois bien fréquentée des pèlerins. Bon nombre de personnes, encore existantes, ont vu, appendus aux murs de la crypte, des béquilles et des ex-voto du siècle précédent. Malheureusement la chapelle a été convertie en habitation et la crypte en cave. La fontaine a été dérivée par un conduit ou drainage. La dévotion n’a plus d’objet dans cette chapelle.

M. l’abbé J.-L. de Blaye, curé d’Imling, dit, le 19 décembre 1862 : « Saint Gérard, évêque de Toul, obtint, pour l’église collégiale qu’il avait fondée en l’honneur de saint Gengoul, des reliques de ce saint martyr, qui furent conservées jusqu’à la Révolution. Cette église maintenant paroissiale, ne possède plus sous ce titre qu’un fragment de crâne dont la certitude est loin d’être complète : en effet, il est dans un état de détérioration assez avancé pour qu’il soit permis de douter qu’il appartienne au même squelette que le chef et les nombreux ossements conservés à la cathédrale de Langres. Ceux-ci, dont la provenance est d’une notoriété incontestable, accusent un fort développement, sont d’une conservation presque éburnée, et ont une teinte d’un brun rougeâtre.

Les fidèles de Montreuil se rendaient autrefois en pèlerinage à la chapelle de saint Gengoul, située sur la paroisse saint Josse (Pas-de-Calais). Cette dévotion a été transférée depuis dans une église du faubourg, en même temps que sa statue équestre.

Le culte de ce Saint a persisté à Bernay.

Il y a de ses reliques à Saint Vulfran d’Abbeville.

La relique (nuque) obtenue du chapitre de Toul, en 1671, et conservée à Montreuil-sur-mer, fut brûlée en 1793 ; elle a été remplacée depuis par une autre que Mgr Parisis donna à la chapelle actuelle.

La célèbre Hroswitha a composé, au Xe siècle, un poème latin, extrêmement curieux, sur la passion de saint Gengoul.

Plusieurs auteurs parlent honorablement de saint Gengoul : le martyrologe romain lui donne la qualité de Martyr ; Surius et Bollandus rapportent ses actes, tirés de divers manuscrits.

Voir aussi « Ami du Clergé, 1923, Prédication, page 165).

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