Les chapelles de Bouvines

Article du Bulletin paroissial paru en janvier 2000

Le nom de Bouvines est connu de la France entière pour la bataille du 27 juillet 1214 dont on peut voir les péripéties transcrites dans le verre des 21 magnifiques verrières classées de son église.

Mais ce n'est pas là le seul patrimoine de la commune: histoire et foi se côtoient dans le petit patrimoine religieux implanté çà et là au détour des rues et des chemins.

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A l'angle formé par la route de Cysoing et la rue de Louvil, se trouve une chapelle néo-gothique de belle allure dressée sur un petit promontoire qui la désigne tout naturellement à l'attention du visiteur. C'est la chapelle St Hubert dont le fronton s'honore, curieusement, d'une statue de St Michel !

Un retour en arrière s'impose ; l'histoire débute en 1868, avec le mariage de deux jeunes gens pleins d'avenir : Félix Dehau et Marie-Claire Lenglart ; ils s'installent à Bouvines où la famille Dehau possède des terres et un rendez-vous de chasse. La jeune femme tient un journal où elle relate la vie quotidienne : nous voici au mois de mai 1871. « Quelques temps après -écrit-elle-, on entendit parler de chiens enragés qui parcouraient le pays, et on s'aperçut que le chien de chasse, détaché depuis quelques jours, avait des allures étranges. Je conseillais à Félix de le renfermer dans son chenil et nous allâmes ensemble pour éviter tout accident. Mais l'animal déjà atteint de la maladie, ne reconnaissant plus son maître et se jetant sur lui, le mordit fortement au bras ; Félix eut pourtant l'énergie de le renfermer, puis il courut à la cuisine et là, à notre grand effroi, se cautérisa si profondément avec le tison rougi au feu que l'on sentait la chair roussie. Quelques jours après, le chien qui l'avait mordu mourait avec des symptômes alarmants. M. le Curé conseilla à Félix de faire le pèlerinage à St Hubert dans les Ardennes, jamais aucun malheur n'est arrivé à ceux qui ont fait ce pèlerinage avec confiance, et quand bien même ce ne serait pas nécessaire puisque la cautérisation avait été immédiate, cet acte de foi calmerait sa surexcitation et son inquiétude bien fondées. Il partit donc, commença une neuvaine à St Hubert et revint la terminer ici, portant au front un bandeau noir qui cachait l'incision faite pour insérer une parcelle de la sainte étole de St Hubert sous la peau. Ne se rangeant les cheveux qu'avec une brosse et non un peigne, couchant seul, buvant toujours dans le même verre, récitant chaque jour certaines prières, etc. 

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Dans l'été de 1872 on avait commencé la construction de la chapelle dédiée à St Hubert que nous voulions élever en reconnaissance de la protection que ce grand saint nous avait accordée.

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Le 2 avril 1874, le jeudi saint, on avait posé les vitraux de la chapelle, et en revenant le matin de la messe où j'avais fait mes pâques près de Félix, j'étais restée pour voir St Michel, prenant possession de son poste à l'entrée pour garder la chapelle.

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Au mois de mai 1875 une grande fête eut lieu à Bouvines. Monseigneur de Lydda coadjuteur de l'Archevêque de Cambrai devait passer dans le pays pour la confirmation. Mon mari lui écrivit pour le prier de bénir la chapelle de St Hubert. Monseigneur de Lydda voulut bien agréer notre demande et il consentit à venir faire l'inauguration le jour du St Sacrement ».

Suivent les détails de la réception de Mgr. et de la journée de fête qui s'ensuivit.

 

Ce texte fournit une explication très claire de l'origine d'une chapelle : ce ne devait pas être un cas isolé à cette époque, du moins dans les classes aisées. Malheureusement on ne sait de qui sont les vitraux...

 

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Dans la rue de Louvil (aujourd'hui coupée par la ligne T G V), à quelques dizaines de mètres de la précédente, se trouve la chapelle St Léonard. Elle fut bâtie à la suite d'un vœu, en 1853, par un certain Monsieur François Duponchelle, tisserand. En 1842 il avait perdu sa femme Adélaïde, s'était remarié et avait eu deux enfants. La chapelle fut bénie le 10 mai 1856 mais hélas, son bâtisseur était décédé à 47 ans le 18 avril 1855.

Pourquoi St Léonard, et auquel des deux Sts Léonard cette chapelle est-elle dédiée ? Car il y en a deux !

Le plus connu est St Léonard de Noblat ; il aurait eu le roi Clovis pour parrain ; en âge de porter les armes, il s'y refusa et reçut la tonsure des mains de St Rémi. Il ne souhaitait rien d'autre que visiter les prisonniers du royaume et d'en délivrer le plus grand nombre possible. Il s'occupa d'abord de ceux du nord de la Gaule, puis il prit la route du sud ; arrivé en Limousin, il rencontra le roi d'Aquitaine qui lui parla de la reine ; celle-ci peinait depuis 5 jours à accoucher de son bébé ; sitôt que Léonard eut prié pour elle, la délivrance se fit sans dommage. En reconnaissance, le roi et la reine bâtirent un monastère pour leur bienfaiteur que Léonard appela Noblat en hommage à leur générosité. Il y installa une communauté de religieux... et se remit à visiter les prisonniers ! C'est donc le saint que l'on invoque pour la libération des prisonniers.

L'autre St Léonard est le saint patron des missions en pays catholiques. Il naquit en 1676 sur la Riviera italienne ; il découvrit sa vocation religieuse à Rome ; il entra dans un noviciat franciscain à 21 ans et fut ordonné prêtre en 1703 ; 6 ans plus tard il est envoyé à Florence pour reprendre le monastère St François du Mont qui devint un grand centre religieux. De là, Léonard et ses compagnons partaient prêcher dans toute la Toscane. Mais il mena des missions à Rome, en Ombrie, à Gênes et dans les Marches. Il attirait des foules immenses et souvent mettait en scène un chemin de croix. C'est grâce à lui que cette pratique devint très populaire, il encouragea la dévotion au Sacré-Cœur et lutta pour la définition du dogme de l'Immaculée-Conception. Sa mission en Corse s'avéra difficile et dangereuse et il mourut d'épuisement à Rome en 1751. Il fut canonisé en 1867.

 

Alors, lequel de ces deux saints est-il invoqué à Bouvines ? En 1867, Madame Dehau n'est encore que Marie-Claire Lenglart. Elle aura 10 enfants dont un fils, Jean, qui fut prisonnier en Allemagne de 1914 à 1918 : elle vint tous les jours à la chapelle dont le saint, pour elle, « était le patron des prisonniers, pour prier pour son fils, qui, à ses yeux, vivait son chemin de croix ». Pour elle, il n'y avait pas de doute, le St Léonard de cette chapelle, c'était celui qui venait d'être canonisé pour avoir prêché le chemin de croix. (Lettre de M. Pierre Philippe du 16/12/99).

Cette chapelle St Léonard nous pose cependant un problème : son style, ses matériaux dénotent une construction plus tardive que 1853 ; alors, fut-elle reconstruite au début du XIXème siècle, et par qui ? Elle appartient aujourd'hui à l'Association Dehau bien qu'en dehors des limites du monastère, lui aussi propriété de cette association.

Longtemps négligée, carreaux cassés, elle a été restaurée en 1999 par des Scouts et par le père de l'un d'eux avec un soin religieux; son inauguration est prévue pour le printemps 2000.

 

Des documents d'archives font état d'une chapelle à Notre-Dame des Affligés rue du Maréchal Foch ; hélas, elle n'existe plus, même sous la forme d'une niche.

Une première chapelle sous cette dédicace s'est située immédiatement derrière la pyramide commémorative de la bataille, à proximité d'un modeste bâtiment qui servait de prison ! Cette chapelle était superbe de largeur, de prestance : elle datait de 1832 et offrait toutes les qualités des constructions de cette époque : logique, simplicité, puissance. Tombant en ruine, elle fut remplacée par une autre, celle de la rue Foch, qui fut inaugurée en 1934. On peut voir aux Archives Départementales, dans le fonds Paul Vilain, trois projets d'architecte pour une chapelle de chemin marqués du style Art Déco propre aux années 30. Il semble que le projet retenu soit le second de ces projets, le moins coûteux, le plus simple, le plus pur aussi ; il offrait en façade un pignon droit à deux pentes surmonté d'un campanile. Des photos de cette époque montrent une silhouette de ce type. Il n'en reste rien : quelqu'un la relèvera-t-il ?

 

Une quatrième chapelle est visible chemin du petit château : elle est petite, modeste même mais pourrait être charmante avec un peu de peinture ; en cette année jubilaire, un ange gardien lui rendra-t-il une statue, une dédicace et des couleurs ?

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A la fois source et chapelle, la fontaine St Pierre est un lieu chargé d'histoire et de sens. Les chroniques de la bataille rapportent qu'au matin de ce chaud dimanche de juillet, le roi de France se désaltéra de son eau, à l'ombre de son frêne. On la dit propre à soulager la fièvre et les maux d'yeux. Le buste du saint existe toujours et devrait reprendre sa place dans l'édifice renouvelé selon les vœux des propriétaires du lieu, très conscients de l'intérêt qu'il représente. Des photos anciennes pourraient guider le choix des restaurateurs.

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Cinq niches sur des murs de fermes ou d'école honorent la Vierge Marie. A la ferme de la Courte, se trouve Notre-Dame des Armées. Quel symbole pour le village de Bouvines ! A moins que la famille propriétaire n'ait voulu rendre hommage au fils qui s'illustra sur les champs de bataille d'un autre siècle et y laissa la vie.

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Voici encore Notre-Dame de la Treille, patronne lilloise du diocèse, sur le mur de l'école qui lui est dédiée.

Et trois Vierge à l'Enfant,

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l'une ferme Lefebvre rue Joffre,

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l'autre chez Brocart route de Gruson

et la troisième à la ferme Deledalle.

Les chapelles et la source St Pierre forment à Bouvines un circuit aimable pour des promeneurs même peu entraînés, ou un parcours de procession pour des pèlerins qui auraient juste le temps d'une dizaine de chapelet entre chaque étape ! Avis aux amateurs.

Voir aussi la Chapelle St Léonard                                                            Maylis Jeanson

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