IV. Le baron de Vuorden, seigneur de Chéreng ; ses descendants. Familles de Rasoir et de Carondelet ; la baronne de Noyelles. Famille Imbert. |
On lit dans le Nobiliaire des Pays-Bas,[1] que Maximilien-François de Fiennes obtint l’érection de ses terres d’Anstaing, de Gruson et de Chéreng en marquisat, sous le nom de Fiennes, par lettres de l’an 1698. Je n’ai pu vérifier cette note dont ne font mention ni la Flandre illustrée de Jean de Seur, ni le Théâtre de la Noblesse de Flandre ; mais en ce qui concerne Chéreng, il faut entendre que des terres situées on cette paroisse, et non la seigneurie même, auraient été réunies à Anstaing et à Gruson pour former le marquisat de Fiennes ; car avant cette époque, c’est-à-dire en 1694, la seigneurie de Chéreng avait été vendue au célèbre Baron de Vuorden.[2] Michel-Ange de Vuorden, né à Chièvres en 1629, avait débuté comme capitaine dans l’armée espagnole. Attaché ensuite à l’ambassade d’Espagne à Paris, mais toujours leurré d’espérances vaines par les ministres qui l’employaient, il s’était retiré à Tournai pour y exercer sa charge de grand bailli des États de cette ville lorsqu’elle fut conquise par Louis IV. D’abord mis en suspicion et envoyé en exil, puis rappelé et comblé de faveurs, il avait été nommé chevalier d’Honneur au parlement de Tournai et grand bailli des États de Lille pour le prince d’Épinoy, seigneur haut justicier de Cysoing. Il avait obtenu, en 1669, la réunion à la châtellerie de Lille des cinq villages : Avelin, Provin, Bauvin, Ennevelin et Mons-en-Pevèle, qui en avaient été détachés par le traité des Pyrénées. Veuf sans enfants de sa première femme, Jacqueline-Thérèse Desmazières de Sarteau, il avait épousé le 5 juin 1675, Marie-Catherine de Croix, fille de Jacques et sœur de son meilleur ami le comte de Wasquehal. Les inscriptions latines qu’il avait composées pour célébrer les événements mémorables du règne de Louis XIV et le Journal historique qu’il avait rédigé pour accompagner le texte de ces inscriptions et leur servir de liaison, joints aux nombreux services qu’il avait rendus à la cause du roi en Flandre, lui avaient valu le brevet de baron. Vicomte de Langle, seigneur de Chéreng, le nouveau baron possédait aussi les seigneuries de Campagne et Blarenghem qu’il avait achetées en 1664. Les armes de Michel-Ange, baron de Vuorden, et de Marie-Catherine de Croix, son épouse, enregistrées à l’armorial général de France, étaient d’argent à un lion de sinople, lampassé et armé de gueules, chargé sur l’épaule d’un écusson d’or, à trois losanges de gueules, accolé d’argent à une croix d’azur. L’estimable baron de Vuorden. qui, dans un siècle si fécond en grands hommes et en grands événements, joua un rôle des plus distingués, et qui, comme écrivain, mérite d’être placé au premier rang par la clarté et la grâce de son style, mourut le 3 août 1699, dans sa 71ème année, ayant vécu en honnête homme et en chrétien plein de foi, et laissant cinq enfants des sept que lui avait donnés sa seconde femme. Outre le Journal historique qu’il publia en 1684 et 1685, on a du baron de Vuerden un grand nombre d’ouvrages manuscrits qui reposent à la Bibliothèque de Cambrai, où l’on conserve aussi sa vie écrite par sa fille Marie-Louise de Vuorden de Campagne. Le Baron de Vtmorden eut pour successeur, son fils Charles Herman, baron de Vuorden, qui mourut sans postérité mâle. À celui-ci succéda son frère puîné, Louis Michel, baron de Vuorden, mort aussi sans postérité mâle en 1730, laissant la seigneurie de Chéreng à sa sœur Marie-Louise, dame de Campagne, mariée 1° à Louis-François, écuyer, sieur de Saint-Thual ; 2° à Louis-François-Joseph de Rasoir d’Audomez, qui portait d’azur à trois flèches d’or, posées en bande, la pointe en haut.[3] Ces deux époux ne laissèrent que des filles dont les deux aînées Marie-Marguerite-Louise de Rasoir, dame d’Audomez, et Marie-Angélique-Bernard de Rasoir, vicomtesse de Langle, dame de Chéreng, Biâtre, le Hove, Rasoir, etc., épousèrent successivement Jean-Louis de Carondelet, baron de Noyelles-sur-Selle ; cette dernière par dispense du pape Clément XII. Vingt-trois enfants naquirent de ces deux mariages. On doit à la piété filiale les portraits du baron de Carondelet et de sa femme. Le cinquième enfant du baron, l’abbé Alexandre-Louis-Benoit de Carondelet-Noyelles, seigneur de Biâtre, docteur et économe de la maison de Sorbonne, à Paris, chanoine écolâtre du chapitre de Seclin, puis chanoine théologal de la métropole de Cambrai et vicaire-général de ce diocèse, a fait graver ces portraits en 1781, par C. S. Gaucher d’après la peinture de De Pasche. Le portrait de la baronne, dame de Chéreng, est très remarquable ; on en peut voir la description dans la Notice historique sur Noyelles et ses barons, par M. l’abbé Desilve, curé de Basuel.[4] Il se trouve aux Archives départementales du Nord un registre des Dépenses de Madame la baronne de Noyelles ; l’aîné des fils, qui plus tard fait des folies constatées par le registre même, y a écrit sur l’intérieur de la couverture : Hic liber pertinet à dominam, dominam potentissimam de Rasoir, baronne de Noyelles. Fecit filius natu maximus die 24 januarii anno 1759. À travers beaucoup de comptes de ménage, on y peut recueillir des renseignements très intéressants sur la famille. Du reste, le livre est écrit avec une imperfection d’orthographe qui aurait fait honneur à la très puissante dame, s’il avait été vrai qu’en cette qualité elle dût dédaigner l’instruction ; mais qui ne relève guère la petite-fille du savant Vuorden quand elle inscrit l’achat des manuscrits de son aïeul. « 14 mai 1763.Pour quatorze manuscrits, un registre et un recueille de plan figuré qui sont touses fait par feu mon grand père Michel-Ange baron de Voerden, lesquels manuscrit étoient entre les mains d’un homme de Laon qui n’a pas voulu les céder à moins de cette somme cy. . 48 fr. » Cette dame, née en 1716, est morte à Cambrai le 31 décembre en 1778. Mais longtemps avant la mort de la baronne de Noyelles, la seigneurie de Chéreng avait été vendue à Jacques-Ignace Imbert, contrôleur de la recette des États de Lille, et relevée en 1754 par N. Imbert, fils de celui-ci. Catherine-Thérèse-Joseph Imbert, mariée par contrat du 16 juillet 1765, à Nicolas-Eugène Imbert, seigneur de Sénéchal, était dame de Chéreng en 1768, et demandait le partage des marais entre les communautés de Willem, Annappes, Chéreng, Flers, Tressin, Baisieux, Ascq et Forest.[5] On voit figurer parmi la noblesse du Baillage de Lille qui prit part à l’élection des députés aux États généraux de 1789, M. Jacques-Joseph-Auguste Imbert, écuyer, seigneur de Chéreng. Imbert porte d’azur à une bande d’argent, chargée en chef d’une moucheture d’hermines, accostée de deux molletes à cinq pointes d’argent.[1] Édition Herckenrode, p. 748. [2] Archives du Nord, Portefeuille De Muyssart. [3] Ces armes étaient des armes parlantes, les flèches s’appelant autrefois rasoirs. Le fief de Rasoir était situé sur le territoire de Biâtre. (Desilve, notice sur Noyelles-sur-Selle et ses barons.) [4] Mémoire de la Société des Sciences de Lille, 3ème série, t. VII. Je tiens de l’amabilité de M. l’abbé Desilve un exemplaire de ce beau portrait. [5] Archives de Willems, DD. 1.
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