NOTICE SUR LE PÈLERINAGE DE SAINT LEU (1902)

honoré à Chéreng de temps immémorial

Couverture de la notice Vitrail de saint Leu

Dieu, dont la sagesse est infinie et dont la Providence s’étend sur tous les hommes, a voulu qu’il y eut des saints de tout âge, de tout sexe, de toutes conditions, afin de prouver que la sainteté est, accessible à tous ; il en a suscité, par sa grâce, dans toutes les parties du monde, afin que la gloire de son nom fut universelle ; il les a échelonnés dans tous les siècles, afin de manifester la perpétuelle fécondité de son Église ; il les a conduits à la perfection par des voies diverses, afin de faire briller les merveilleux effets des dons du Saint-Esprit, et la variété de ses opérations dans les âmes qui se laissent diriger par ses divines inspirations.

En agissant ainsi, Dieu n’a pas eu seulement en vue sa gloire personnelle, ni celle de son Église ; il n’a pas voulu simplement nous offrir de saints patrons, de parfaits modèles de vertu, il a voulu, de plus nous assurer de puissants protecteurs, de généreux bienfaiteurs, toujours disposés à nous secourir, dans toutes nos misères corporelles, aussi bien que dans nos besoins spirituels.

Dieu, sans doute, est l’unique auteur et l’unique source de tous les biens ; il les distribue à qui il le veut, quand il le veut, de la manière et dans la mesure qui lui plaît  ; toutefois, il entre dans les plans de son infinie sagesse de nous faire recourir à l’intercession de ses saints. En se servant d’eux, comme intermédiaires, il atteint un double but : il rehausse la gloire de ses saints aux yeux des hommes, et ouvre à ceux qui les honorent et les invoquent une source de grâces et de faveurs spirituelles et temporelles.

Nous pouvons, il est vrai, obtenir ces faveurs, en nous adressant directement à Dieu. Ne vaut-il pas mieux, dit-on parfois avoir affaire avec Dieu plutôt qu’avec ses saints ? Oui, peut-être, si nous étions ses vrais amis ! Mais, hélas ! que de fois nous nous trouvons indignes de ses faveurs, à cause de nos péchés ? que de fois nous recourons à lui, par intérêt plutôt que par amour ! Nous foulons aux pieds ses commandements et nous implorons ses faveurs ! Nous manquons, chaque jour, de générosité dans son service, pour ses oeuvres, et nous prétendons qu’il se montre généreux à notre égard ? qu’il fasse presque un miracle pour nous tirer d’embarras, nous guérir de nos maladies ? N’est-il pas juste que Dieu nous traite comme nous le traitons nous-mêmes ? Est-il étonnant que souvent il se montre sourd à nos prières, nous refuse ses faveurs, ou les retarde indéfiniment ?

C’est alors que l’intermédiaire des saints nous devient extrêmement utile, pour ne pas dire nécessaire. Négliger d’y recourir serait compromettre nos intérêts les plus précieux  ; car étant les amis de Dieu, ils ont une grande influence sur son cœur, et peuvent beaucoup pour nous, par leur intercession.

Cette puissance d’intercession est aussi une récompense que Dieu se plaît à accorder à ses élus, en raison des mérites surabondants qu’ils se sont acquis durant leur vie mortelle, principalement par leur zèle pour la gloire de Dieu, et leur continuelle soumission à sa sainte volonté. N’est-ce pas pour s’y conformer, qu’au prix des plus héroïques sacrifices, ils ont subi le martyr, renoncé aux honneurs, aux richesses, aux plaisirs de ce monde, supporté toutes sortes d’humiliations et de mépris ? pratiqué l’obéissance, la charité, la chasteté, et toutes les autres vertus chrétiennes ? En récompense de cette sublime abnégation de leur volonté, pour se soumettre à la sienne, en toutes circonstances, Dieu se plaît à les glorifier devant les hommes, en intervertissant les rôles en leur faveur. A son tour, Dieu met à leur service sa volonté toute puissante ; il se fait un point d’honneur, un cas de justice de satisfaire les moindres désirs de ses saints, comme ils se sont fait autrefois un devoir et un bonheur de satisfaire les siens. Demandez-moi tout ce que vous voudrez, leur dit-il, je m’empresserai de vous l’accorder.

Ce pouvoir qu’ils tiennent de la bonté et de la miséricorde de Dieu, les saints, qui, dans le ciel, n’ont rien perdu de leur charité pour leurs malheureux frères de la terre, se font un bonheur de le mettre au service de ceux qui les honorent et les invoquent avec confiance et persévérance ; pourvu toutefois que ce qui fait l’objet de leur demande ne soit pas nuisible au salut de leur âme. En ce cas, Dieu qui connaît nos besoins, mieux que nous-mêmes, remplace la faveur qu’il ne peut accorder, par une autre faveur qu’il jugé plus opportune. Car le mérite d’une prière ou d’une bonne oeuvre n’est jamais perdu.

S’il est vrai que tous les saints du ciel ont une grande influence sur le cœur de Dieu, il n’est pas moins vrai que tous ne l’ont pas au même degré ; leur pouvoir n’a pas toujours la même étendue, et n’est pas toujours de la même nature. Il y a des saints que nous appellerions volontiers des spécialistes, parce qu’ils nous obtiennent plus particulièrement telle faveur plutôt que telle autre. De même qu’il y a des sanctuaires plus privilégiés les uns que les autres, ainsi, il y a des saints investis de certains privilèges que d’autres n’ont pas. Pourquoi ? c’est le secret de Dieu, dont le divin Esprit souffle où il veut, sur qui il veut. C’est une vérité d’expérience, nullement contraire à la foi, conforme aux lumières de la raison, et généralement reconnue, mais dont nous n’avons pas à demander compte à Dieu.

Toutefois, il nous est permis, sans témérité, d’en présumer la raison d’être.

Les besoins des hommes étant divers, le Saint-Esprit, c’est-à-dire l’Esprit sanctificateur de nos âmes, a dû pour atteindre son but, diversifier ses dons d’après les besoins spirituels et corporels de chacun, pour l’utilité générale. C’est sa manière ordinaire d’opérer. L’apôtre saint Paul, dans sa première épître aux Corinthiens, nous l’enseigne formellement (chap. XII, verset 4 et suivants).

« Il y a, à la vérité, dit-il, diversité de grâces et de dons spirituels ; mais il n’y a néanmoins qu’un même esprit qui les communique. Et il y a diversité d’opérations surnaturelles, mais il n’y a qu’un même Dieu qui opère tout en tous. Or, ces dons du Saint-Esprit qui se font connaître au dehors, sont donnés à chacun, non pour son utilité particulière, mais pour l’utilité de toute l’Église, et selon ses différents besoins. Car, l’un reçoit du Saint-Esprit le don de parler dans une haute sagesse, un autre reçoit du même Esprit le don de parler avec science, un autre reçoit le don de la foi, un autre le don de guérir les maladies, un autre le don de faire des miracles, un autre le don de prophétie, un autre le don de parler diverses langues ; or, c’est un seul et même Esprit qui opère toutes ces choses, distribuant à chacun ses dons selon qu’il lui plaît, et sans aucun mérite de la part de ceux qui les reçoivent, auxquels ils sont donnés pour le bien du corps de Jésus-Christ dont tous les fidèles sont les membres. »

Ces divers dons que le Saint-Esprit a répandus sur les premiers apôtres, et même sur les premiers fidèles, pour aider à l’établissement de l’Église fondée par Jésus-Christ, il n’a pas cessé de les répandre dans la suite des siècles, dans le même but, sur certains personnages choisis par lui-même, selon ses secrets desseins pour continuer leur divine mission.

Eux non plus n’ont pas reçu ces divers dons pour leur avantage personnel, (ce sont, au contraire, des dons dangereux, exposant à l’orgueil), mais bien pour l’avantage de tous en général et de chacun en particulier, pour les besoins du corps aussi bien que les besoins de l’âme, afin de nous gagner tous à Jésus-Christ, notre fin dernière.

Parmi ces saints personnages spécialement choisis par le Saint-Esprit, il y en a que les hagiographes appellent Auxiliaires de la santé, parce qu’ils ont reçu particulièrement du ciel le don de guérir des maladies, gratia sanitatum, souvent même de certaines maladies. Ces privilèges qu’ils ont reçus durant leur vie mortelle, Dieu se plaît à les leur continuer dans le ciel en faveur de ceux qui ont recours à eux avec confiance et persévérance. C’est ainsi, par exemple, qu’on invoque particulièrement et avec raison :

 

S.        ROCH contre la peste ;

S.        HUBERT contre la rage ;

S.        BENOÎT contre le démon ;

S.        PIERRE contre la fièvre ;

S.        LAURENT contre les maux de ce nom ;

Ste       APOLLINE contre les rages des dents ;

Ste       ODILE contre les maux d’yeux ;

S.        GHISLAIN contre les douleurs d’intestins ;

S.        SAULVE pour les bestiaux ;

S.        DRUON pour les moutons, etc. ;

S.        ANTOINE DE PADOUE pour les objets perdus, etc., etc.

 

Saint Leu, notre saint de prédilection, dont l’église paroissiale de Chéreng possède une relique, c’est-à-dire une parcelle de son corps, est particulièrement invoqué contre la Peur, les frayeurs imaginaires, provenant du démon ou de toute autre cause, contre les convulsions, le mal caduc, l’épilepsie, et autres maladies nerveuses qui sont les conséquences de la peur, ou de ces frayeurs imaginaires.

Une expérience de plusieurs siècles, constatée par des milliers de pèlerins venus nuit et jour de tous les coins de la région du Nord et de la Belgique, attestent l’authenticité des faveurs obtenues par la puissante protection de saint Leu.

Il serait difficile de préciser l’époque et l’origine du célèbre pèlerinage de saint Leu, en l’église paroissiale de Chéreng. Le Révérend Père Martin, jésuite aussi érudit que pieux, fait mention du célèbre pèlerinage de Chéreng dans son Histoire des Saints de la province de Lille, Douai, Orchies, imprimée en 1638 ; il y a donc plus de 250 ans que la dévotion à saint Leu y était florissante  ; elle n’a fait qu’augmenter depuis lors, ce qui est une preuve incontestable de l’importance et du nombre de faveurs obtenues chaque jour par l’intercession de ce grand saint ; bientôt, en effet, on cesserait de venir implorer son secours, si on n’était pas souvent exauce.

Il serait encore difficile d’énumérer les lieux d’où nous viennent nos pieux pèlerins. Les principaux sont Roubaix, Tourcoing, Wattrelos, Lannoy, Leers, Estaimpuis, Comines, Wervicq, Warneton, Zooneforte, Néchin, Mouscron, Templeuve (Belgique), Courtrai, Tournai, Ath, Leuze, Lessines, Soignies, Péruwelz, Croix, Mouvaux, Wasquehal, Bondues, Lys, Roncq, Baisieux, Camphin, Lamain, Seclin, etc., etc. Parfois, j’ai donné les évangiles à des pèlerins venus à pied, à jeûn, de Comines, de Wervicq, de Wattrelos, etc., c’est-à-dire de trois ou quatre lieues, sans être entrés dans une seule maison sur le parcours ! Est-il étonnant que de pareils actes de foi, de confiance, obtiennent des miracles ! Un jour, entre autres, je venais de donner les évangiles à trois hommes, très grands et robustes ; en traversant l’église, l’un d’eux tombe lourdement sur les pierres. Je me hâte à son secours, croyant que c’était un épileptique ; les deux autres le relèvent en disant : Monsieur le Curé, ce n’est. rien, c’est faiblesse ! Comme nous, il est à jeûn ; voilà quatre heures que nous sommes en route sans être entrés nulle part. Nous allons déjeûner, puis nous retournerons de même ; on n’en parlera plus ! De tels sacrifices ne méritent-ils pas d’être récompensés ? Le Ciel ne peut demeurer sourd à de telles prières.

En 1899, une petite fille de 4-5 ans, accompagnée de deux dames, mettait en émoi le voisinage de l’église. Du presbytère, je l’entendais s’écrier, en pleurant et en se débattant : « Non, maman, je ne veux pas, j’ai peur, je ne veux pas aller à l’église, j’ai peur. » Devinant ce qui se passait, je me rends à l’église, par mon jardin ; à peine entré, j’entends la maman qui, sous le portail, s’écrie toute impatientée : « Je ne suis pas venue de si loin pour rien ; vive ou morte, tu entreras. » Saisissant sa petite fille par les jambes, elle la presse dans ses bras et entre avec elle dans l’église. A peine y est-elle, que la petite fille pousse un gémissement, un long soupir, et s’écrie : « Laisse-moi, maman, mets-moi par terre, je n’ai plus peur. » Elle promène son regard sur toute l’église, et, comme un doux agneau, accompagne ces dames jusqu’à la balustrade de la chapelle Saint Leu, où j’attendais.

Je lui donne une petite tape sur la joue, en lui disant :

    C’est toi qui faisait tant de tapage dans la rue ?

    Oui, M. le Curé.

    Et pourquoi ?

     J’avais peur.

     De qui donc ?

     Je ne sais pas.

     Et maintenant ?

     Je n’ai plus peur.

Les deux dames ne pouvaient en revenir, tant elles étaient émues de joie.

La petite fille reçut les évangiles, baisa la relique de Saint Leu, et, avec ces dames, fit le tour de l’église, à l’intérieur, s’intéressant de tout ce qu’elle voyait.

Des guérisons moins tapageuses, moins subites, mais aussi réelles, se manifestent le plus souvent durant la neuvaine faite en famille. Ce qui explique le nombre toujours croissant des dévots pèlerins de Saint Leu, à l’église de Chéreng.

Que de guérisons remarquables nous aurions à signaler, si ceux qui en furent objet daignaient nous les faire connaître, ne fut-ce que par reconnaissance.

Oui, ce pèlerinage non interrompu de fidèles venant réclamer le secours de saint Leu, dans leurs maladies et afflictions, mettre leurs enfants sous sa protection, durant des 10, 15 et 20 ans, en les faisant inscrire dans sa Confrérie, prouve éloquemment les faveurs signalées que Dieu dispense en vue des mérites de son serviteur. Que de mères consolées ! Que de personnes soulagées et guéries par l’intercession de ce saint évêque ! c’est bien le cas de lui appliquer ces paroles de nos saints Livres (Ecclésiastique, ch. 28, verset 13, 14, 15) : « Il n’a pas eu peur des princes pendant sa vie, et nul n’a été plus puissant que lui. Jamais rien n’a pu le vaincre, et son corps, après sa mort même, a fait voir qu’il était un vrai prophète, a fait des prodiges pendant sa vie, et des miracles après sa mort. »

PRINCIPALES PRATIQUES DE PIÉTÉ

en l’honneur de Saint Leu

        Recevoir l’évangile et baiser religieusement sa relique.

        Faire une neuvaine (lire particulièrement ses litanies).

        Faire célébrer la messe en son honneur ou y assister ; y communier.

        Faire brûler des cierges, à son autel.

        Faire une offrande, selon ses moyens.

        Porter pieusement sa médaille.

        Se faire inscrire dans sa confrérie (0,15 par an)[1].

        Célébrer religieusement sa fête (1er septembre).

        Éviter toutes pratiques superstitieuses (ne pas faire séjourner l’offrande dans l’eau bénite).

10°      Sauf nécessité, ne pas entrer au cabaret avant d’avoir accompli ses dévotions.

[1] On n’est obligé de revenir tous les ans, que si on en a fait la promesse formelle.

AVIS

On peut se procurer, à la sacristie, tout ce qui concerne le pèlerinage.

Ceux qui se font inscrire dans la confrérie de saint Leu, ont part aux messes dites en son honneur durant l’année (0,15 par an).

JOUR DU GRAND PÈLERINAGE

Il est rare qu’un jour se passe sans que saint Leu ne reçoive quelque pèlerin. Tous les jours sont donc favorables. Toutefois, le jour du grand pèlerinage a lieu le lundi qui suit le premier dimanche de septembre. On y célèbre solennellement la fête de saint Leu. Les pèlerins qui arrivent en foule dès le matin, assistent à la grand’ messe de 9 heures, reçoivent l’évangile, baisent religieusement sa relique, et se font inscrire dans sa confrérie (0 fr. 15 par an).

Quand, exceptionnellement, le 1°septembre, jour de la fête liturgique de saint Leu, est un lundi, le pèlerinage a lieu deux fois, le 1er et le 8 septembre. La messe également à 9 heures.

MOYENS DE COMMUNICATION

Chéreng (1.600 habitants) se trouve sur la grand’route de Lille à Tournay. On y parvient facilement :

Par chemin de fer, par les trains de :

        Lille-Ascq-Baisieux-Tournay et vice-versa.

        Lille-Ascq-Forest-Lannoy et vice-versa.

        Lille-Ascq-Tressin-Cvsoingorehies et vice-versa.

Descendre préférablement à la halte de Tressin.

 

À pied l’église de Chéreng se trouve :

A 15 minutes de la Halte de Tressin

A 35 minutes de la gare de Baisieux

A 40 minutes de l’arrêt de Forest

A 45 minutes de la gare d’Ascq.

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