1932 : Chéreng, mon village ! (suite)

La Seigneurie.

La Châtellenie.

Dans sa statistique féodale, Th. Leuridan écrit : « La seigneurie de Chéreng s’est formée du fief de Montmort, qui comprenait, avec ses dépendances, la plus grande partie du territoire et auquel furent rattachées par concession ou par appropriation les prérogatives seigneuriales au XVe siècle. Le fiel de Montmort, tenu de la salle de Lille à 10 livres de relief, comprenait, en 1736, un manoir seigneurial sur motte entourée d’eau et 7 bonniers de jardin, 43 bonniers de terre ahanables, 6 bonniers de prés, 16 bonniers de bois, la seigneurie sur 80 bonniers de rejets, pâtures et eaux, et un terrage sur 2 bonniers 13 cents. Les hôtes et tenants du dit fief devaient annuellement au seigneur 8 rasières et demie de blé, 17 rasières 10 hotteaux d’avoine, 6 livres en argent, un dousel de cervoise, un œuf, 56 chapons, 2 oies, un mouton de rente. Le seigneur y exerçait la haute justice, y tenait plaids généraux trois fois l’an et percevait un droit de péage sur le pont à Tressin, l’un des quatre ponts du Mélantois ».

Marie de CRETON d’ESTOURMEL, épouse de Wistasse d’Hertaing, fut dame de Chéreng en l’an 1300.

Beugnot signale un arrêt du Parlement de Paris, daté du 12 juillet 1319, qui agrée l’appel fait par Robert de MONTMAUR contre Pierre de GAILLARD, chevalier, au sujet de la terre de Chéreng, que celui-ci avait achetée lorsqu’il était administrateur de quelques parties de la Flandre du côté de Lille. La seigneurie passe ensuite à la famille DE RANCEVILLERS dont l’héritière épouse Gérard DE VALY. Puis, en 1391, on voit le déshéritement fait par Jean DE BOVES au profit de Jean DE BASSY ou DE BACHY, bourgeois de Tournai. Il portait pour armes « de gueules au chef d’or, chargé d’un lion de sable » (armoiries de Chéreng, Bachy). Il épousa Maigne le Curesse, et fut enterré en l’église saint Quentin, à Tournai, en 1417, près de son épouse (épitaphe gravée sur une lame de cuivre). Leur fille Marie de Bassy, dame de Chéreng, de Haudion et Mainvault à Lamain, de Haudionchel à Hertain, de Luchin et de Beaulieu à Camphin, de Tresquières à Baisieux, épousa en premières noces Thierry, bâtard De La HAMAIDE, mort à Azincourt en 1415. Leur fils Jean De La HAMAIDE, écuyer, hérita de la seigneurie de Chéreng. Il brisa ses armes au canton dextre d’un écu aux armes de sa mère.

Durant plus de deux siècles et demi, la seigneurie de Chéreng resta dans la puissante famille de la HAMAYDE. Elle passa de père en fils jusqu’en 1694, elle fut alors vendue à Michel Ange, baron du Vuœrden, que nous verrons plus loin.

À l’ouest du village, le long de la Marque, une partie de terre sur Chéreng avait nom « La Hamaide » (nous voyons qu’Antoine PLANCQ était maître de la Poste aux Chevaux, à la Hamaide, or, il habitait la ferme Droulers, [1] en ruines aujourd’hui). Ces terres devenues la propriété de Maximilien de Fiennes furent érigées en marquisat, en 1698, avec d’autres terres sur Gruson et Anstaing. Charles-Maximilien, marquis de Fiennes, son fils, vendit, en 1727, Anstaing, Gruson et ses terres sur Chéreng à Michel LE MAISTRE, écuyer, seigneur d’Esplechin, conseiller secrétaire du Roy. Les LE MAISTRE prennent désormais le titre de « La Hamayde ».

Pierre-Joseph Le Maistre, petit-fils du précédent, écuyer, seigneur d’Anstaing, Gruson, la Hamayde, né en 1740, convoqué aux assemblées des nobles en 1778, émigra, fit la campagne dans l’armée des princes et mourut à Tournai le 7 mars 1814. Ses biens furent confisqués et vendus au profit de la République. Or, dans son patrimoine, se trouvait une maison bâtie sur un cent, avec dépendances, écuries, étables, qui fut adjugée pour 6 300 frs.

La Hamayde en 1932

Cette maison n’est autre que la demeure seigneuriale des de la Hamayde, construite dans le style de la Renaissance… habitée aujourd’hui[2] par M. Marcel Despretz, le sympathique président de la Société de Gymnastique… très légitime propriété de M. Louis Carette-Thieffry.

Michel Ange de Vuœrden.

Nous l’avons dit, la seigneurie de Chéreng était passée aux mains du baron de Vuœrden avant 1694.

Adroit diplomate, officier de mérité, écrivain distingué, Michel Ange de Vuœrden joua sous Philippe IV et sous Louis XIV un rôle très important et Chéreng devrait être plus fière d’avoir été la paroisse de prédilection à laquelle il confia son tombeau.

Issu, en 1629, d’une famille très catholique émigrée de Hollande, Michel Ange fit ses humanités chez les Jésuites de Courtrai, fut élève de l’Université de Louvain, puis de celle de Douai où il prit le grade de licencié dans les deux branches du droit. En 1650, il est de la brillante société qui entoure le comte de Rœux, gouverneur de Lille en Flandre. L’année suivante, on le trouve à Bruxelles avec Henri de Melun, prince d’Epinoy. Il part bientôt pour l’Espagne en compagnie du Marquis de Renty, fils de la duchesse d’Havré… Le récit de ce voyage qu’il nous a laissé est plein d’intérêt ; il nous montre toute la gravité des troubles de la Fronde, à cette époque où  « il n’y avait pas de gouverneur de place frontière qui ne menaçât de la livrer aux Espagnols si on ne lui envoyait le bâton de Maréchal de France… » À Madrid, Vuœrden renseigne le ministre Don Luis de Haro et la Cour sur ce qui se passe en France… (Il agissait en bon patriote envers l’Espagne comme il agira plus tard en bon français après la conquête de Louis le Grand)… De retour en Flandre, après maintes péripéties et difficultés, il prend du service dans l’armée : l’un des premiers il entre dans Roy, vaillamment défendue par la gentilhommie picarde. Capitaine au régiment d’Hérissem, composé de la fleur de la noblesse de Franconie, il est délégué près du comte de Fuensaldagne, à Bruxelles, pour lui faire connaître la triste situation des troupes cantonnées à Bavay. L’ardeur généreuse avec laquelle ce jeune officier remplit sa mission lui assure la sympathie du grand ministre qui se l’attache lors de sa nomination comme gouverneur du Milanais… En nous détaillant la suite du Comte pour ce voyage en Italie, Vuœrden énumère les nobles personnages, puis ajout : « deux cents personnes, cent cinquante chevaux, six attelages, cinq mulets, quatre femmes, trois chiens, deux buffles et un apothicaire !!! ». Bientôt, le marquis de Coiro et Vuœrden sont envoyés en otages à Turin. Le duc de Navailles, généralissime des armées de France, leur fait fête et les présente à la Cour de Savoie. En 1660, de retour à Milan, M. de Vuœrden y apprend sa nomination à la charge de haut justicier de Tournay et de bailli de Rumes.

En ce moment se négocie le mariage de Louis XIV avec l’Infante d’Espagne. Délégué par le comte de Fuensaldagne, ambassadeur extraordinaire, malade à Grenoble, Vuœrden s’embarque sur l’Isère le 25 avril, prend les chevaux à Romans, et arrive le 4 mai à Bayonne où il est reçu par le cardinal Mazarin. Il s’entretient ensuite avec le comte d’Armagnac, grand écuyer de France, le duc de Bournouville, gouverneur de Paris, les maréchaux de Grammont, de Villeroy, M. le Tellier, etc… puis il part à la frontière saluer Don Lui de Haro, ministre d’Espagne, son maître.

Le 18 mai, M. de Fuensaldagne arrive. Faisant partie de l’ambassade extraordinaire, Michel Ange de Vuœrden est de toutes les fêtes, de toutes les réceptions, de toutes les solennités qui eurent lieu à l’occasion du mariage de l’Infante avec S. M. très chrétienne. Dans ses mémoires, il nous en fait un récit très détaillé. Le 26 août, il assiste à l’entrée solennelle de la Reine, à Paris.

Dès février 1661, l’ambassadeur d’Espagne charge son attaché des missions les plus délicates : avec l’évêque d’Orange, Vuœrden traite de l’exécution de la paix du côté de la Catalogne, avec le Marquis de Louvois, il discute de l’abandon du Portugal, puis ce sont des démarches près de M. de Brienne, de M. de Lionne, de M. le Tellier, etc. Il peut même faire des promesses aux officiers français désireux de prendre du service en Espagne, il remet cent pistoles à M. de la Serre, historien de France, il envoie 300 greffes des plus beaux fruits au prince de Ligne en Flandre… et s’emploie à rendre service aux uns et aux autres.

Après la mort du comte de Fuensaldagne, Michel Ange de Vuœrden se retire à Chièvres. Il n’y goûte que durant peu de temps les joies de la vie de famille, car M. de la Fuenté, le nouvel ambassadeur, le rappelle bientôt à Paris : là, de nombreuses réceptions l’attendent. Fatigué de la Cour et de ses intrigues, il rentre à Tournai le 27 juin 1662. Ayant toujours vécu largement et en toute indépendance, il a écorné son capital, il prend pension chez M. de la Faille, chanoine de la cathédrale, s’y installe avec ses deux domestiques et ses deux chevaux…

En 1664, il épouse Jacqueline Thérèse Desmazières de Sarteau, achète les seigneuries de Campagne et Blarenghien, partage son temps entre sa résidence de Rumes et Tournai : c’est la vie calme, paisible, d’un noble de province.

Mais bientôt, la guerre éclate : c’est la conquête des Flandres. Louis XIV investit Tournai le 20 juin 1667. Le 24 la ville capitule. Le 26, le roi et la reine arrivent à Tournai. Le même soir, la Reine reçoit Michel Ange et lui promet sa protection. Le lendemain, il harangue les souverains de France au nom des États.

Le 20 novembre, Vuœrden, devenu suspect, reçoit l’ordre de quitter la ville. Il se retire à Rumes après avoir remis au comte de Duras des lettres ouvertes pour M. le Tellier, le Marquis de Louvois, M. de Turenne, le marquis Dangeau, la Senora Molina, etc… La réponse à ces démarches ne se fait pas attendre : la reine intervient auprès de Louis XIV en faveur de son protégé et, le 4 janvier 1668, Vuœrden peut, en sa maison de Tournai « tirer joyeusement les rois » à la façon de son pays… Louis XIV, pour se l’attacher, ne tarde pas à le nommer Chevalier d’honneur au Conseil Souverain de la Ville de Tournai : c’est le début de la fortune, des jours heureux !

Le 18 août 1668, Vuœrden et M. de la Hamayde sont reçus en audience par Louis XIV à Saint-Germain. S. M. les assure « qu’elle fera goûter à ses nouveaux sujets toute la différence de domination de France à celle d’Espagne »… Michel Ange et M. du Quesnoy remercient tour à tour le Roi des charges de chevaliers d’honneur qu’il leur a accordées.

Nommé bientôt grand bailli des États de Lille pour le Prince d’Epinoy, seigneur haut justicier de Cysoing, Vuœrden trouve toujours de précieux appuis après de Louvois, de Villeroy, de Lionne. Surtout il peut compter sur la haute protection de la Reine qui sait lui prouver de l’intérêt : retenue dans sa chambre, S.M. veut quand même le recevoir, elle lui réserve le meilleur accueil, lui montre ses enfants de la façon la plus gracieuse…

Dès l’arrivée de Louvois et de Le Pelletier à Tournai, Vuœrden s’emploie à faire rendre justice aux petits rentiers dont certains n’avaient touché aucun revenu depuis 10 et même 14 ans. C’est une grande âme, un cœur généreux. En février 1669, à peine est-il de retour à Paris avec le Maréchal d’Humières, qu’il fait démarches sur démarches en faveur de la Flandre et il a la satisfaction de pouvoir bientôt annoncer : « Sur 22 affaires contenues dans le cahier, j’en obtiens 20 et le renvoi de deux autres à l’Intendant. » Mais ce qui fut beaucoup plus important, à notre sens, c’est durant ce long séjour de plus d’un mois, dans des audiences à heure fixe, Turenne s’entretenait à Michel Ange de Vuœrden sur les affaires de Flandre. C’est près de lui que le grand conquérant se renseignait sur la Justice, la police, les finances et le commerce de chez nous… « Il quittait tout le monde dès que j’arrivais, faisait mettre sa petite table entre nous deux et me demandait des détails très complets sur les choses les plus importantes, même sur le bureau des traites et les nouvelles charges subies par les marchandises… »

Voilà donc le personnage considérable sur la vie trop peu connue duquel nous nous étendons avec complaisance : Vuœrden fit beaucoup pour le bonheur de nos pères, son action facilita le changement de domination.

Le 26 mars 1675, Michel Ange de Vuœrden eut la douleur de perdre son épouse. Le 5 juin suivant, il épousait Marie-Catherine de Croix, sœur de son ami intime le comte de Wasquehal. Le 1er juillet 1676, un fils venait faire la joie du foyer : Louvois en fut le parrain, la Maréchale d’Humières marraine.

En 1679, nommé commissaire avec M. Le Pelletier pour le règlement des limités entre la mer et la Meuse, Vuœrden va s’installer à Courtrai. Là une nouvelle faveur l’attend : il est nommé baron.

Le 11 juin 1685, le voici à Versailles, il offre son « Journal historique » à Louis XIV. Sa Majesté l’accueille avec grande obligeance et lui dit : « J’ai lu le premier tome avec plaisir, et je n’en doute pas que j’en trouve à lire le second. Vous avez une méthode d’écrire l’histoire pour la faire connaître sans se fatiguer et je vous sais gré de ce que vous avez écrit touchant ce qui me regarde. Je vous ferai plaisir lorsque j’en aurai l’occasion ».

Le 28, à Chantilly, le Prince de Condé le reçoit chaleureusement, l’embrasse et le retient de longues heures. Vuœrden lui remet aussi le second tome de son ouvrage ainsi que les mémoires du Comte de Fuensaldagne. Il est logé au château et peut avoir encore plus audiences de Son Altesse.

En juin 1687, Vuœrden et son épouse tenant à présenter leur fils à la Cour, partent pour Versailles. Le 20, ils peuvent offrir leurs respects au Roi. Louvois les reçoit à dîner, puis c’est Le Pelletier, puis M. du Frenoy, puis le marquis de Livry, etc…

La vieillesse de Vuœrden fut assombrie par des deuils cruels. Son fils Louis, sur qui il fondait les plus belles espérances, mourut presque subitement à Paris, au cours de ses études. Il avait, ce jour même, jour de congé, dîné chez la Princesse d’Epinoy, s’était entretenu avec Vauban et Le Pelletier, et était mort à la sortie de la Comédie Française. Il avait dix-sept ans. Son cœur fut ramené à Chéreng.[3]

Michel Ange baron de Vuœrden, Seigneur de Chéreng, mourut à Lille, à soixante et onze ans, le 3 août 1699. Il fut inhumé dans le chœur de l’église de Chéreng, où reposent aussi les autres membres de sa famille (de sa seconde femme, il avait eu sept enfants).

Outre son « Journal historique » (2 volumes in-8) qu’il fit imprimer, le baron de Vuœrden laissa de nombreux ouvrages manuscrits qui sont toujours consultés avec profit par quiconque veut étudier les guerres de Flandres et d’Italie, la paix des Pyrénées, la mort de Mazarin, etc…

 

Charles Herman, baron de Vuœrden, mourut en 1701. Louis-Michel de Vuœrden mourut en 1730. Marie-Louise de Vuœrden, dame de campagne, veuve de Louis-François, écuyer, seigneur de Saint-Thual, épousa Louis-François DE RASOIR. Leurs deux filles, Marie-Marguerite et Marie-Angélique, épousèrent l’une après l’autre Jean-Louis DE CARONDELET,[4] baron de Noyelles, qui eut vingt-trois enfants de ses deux épouses. La seigneurie de Chéreng fut alors achetée par Jacques-Ignace IMBERT, contrôleur de la recette des États de Lille. Son fils, Jacques-Augustin-Joseph IMBERT et Catherine-Thérèse IMBERT, dame de Chéreng, épouse de Nicolas-Eugène IMBERT, seigneur de Sénéchal, offrirent en 1760 à l’église de Chéreng deux grosses cloches  qui, après avoir échappé à la réquisition révolutionnaire en l’an VI, grâce aux démarches de Louis-François Carette (bisaïeul de M. Louis Carette, ancien adjoint au maire) furent enlevées par les Allemands en 1916. C’est à la dame de Chéreng qu’on doit le partage des marais entre Chéreng et les communes voisines. Jacques-Augustin-Joseph IMBERT, anobli en 1775, fut conseiller contrôleur des États de Lille et lieutenant des maréchaux de France. Il épousa en 1777 Catherine LAMBELIN. Lors de la tourmente révolutionnaire, il émigra avec son épouse : ses biens furent confisqués et vendus au profit de la République. Le château qu’il possédait s’élevait à l’est du village, vers Baisieux, on y accédait par le Vert Chemin (près de la ferme Ghestem).

Lorsque des jours meilleurs furent revenus, Jacques-Augustin-Joseph IMBERT demanda au préfet Dieudonné la mainlevée du séquestre établi sur ceux de ses biens non vendus. Le 2 frimaire an XI, il put recouvrer dans la commune une petite ferme (habitée par M. Auguste Lamérand) et quelques lopins de terre. Il épousa en secondes noces Sophie Desmons, en 1813, eut la satisfaction de voir la loi du 27 avril 1825 accorder une indemnité pour les biens fonds vendus en vertu des lois de confiscation. Il est décédé en 1830. L’année suivante, furent vendues les dernières terres ayant appartenu à M. de Chéreng (ainsi l’appelait-on ici).

Avant de terminer cette étude sur Chéreng Châtellenie, citons hâtivement quelques noms de ceux qui aidèrent à l’administration de la justice dans la communauté : Antoine PLANCQ, 1640-1701, bailly de Chérin à la Hamayde – J-B. LECONTE, bailli, 1706-1734. – Jean-François RICHEBÉ, conseiller du Roy, receveur des amendes et espices du bureau des finances de Lille, bailli de Chéreng, 1734 à 1760. – Louis RICHEBÉ, qui acheta le fief des Blonderies à Frelinghien, à Marie-Anne de Carondelet, petite-fille du baron de Vuœrden.

Les baillis avaient pour suppléant un lieutenant. Lotard de CALLONNE, lieutenant du bailli au début du XVIe siècle – Philippe VANGHELLE, 1707, pauvrisseur en 1738, lieutenant jusqu’en 1769. – Jean-Charles DUMORTIER, lieutenant en 1769. – Philippe COCHETEUX, maréchal-ferrant, lieutenant de 1774 à 1778. – Louis BOTTIN, lieutenant, 1780-1788. – André VANHOUTTE, homme de fief, puis lieutenant du bailli jusqu’à la Révolution.

Étaient hommes de loi de Chéreng Châtellenie en 1449 : César PROUVOST, Jean AGACHE, Pierre de THIEFFRIES, Willaume LE COUVREUR, Guillaume PLANQUELLE, Aleaume WILLAUT, Pierre GOUDAILLER. – Cinquante ans plus tard, nous voyons : Roger CASTELAIN, Alard MOREL, Jean LECLERCQ, Martin de FLINES, Michel HALUMIERS. – Au début du XVIe siècle : Piérard LESPERON, Luc HENNOT, Philippe-Joseph DERRET, échevin, 1768. Paul PRÉVOT, homme de loy, 1741. Jacques PRÉVOT, fils du précédent échevin, 1772. Jean LESTIENNE, homme de fief et échevin, 1788. Jacques CARPENTIER, échevin (ne savait même pas signer son nom) décédé en l’an XI.

Louis BAUEZ fut greffier de 1743 à 1780. Auguste VANDEVOORDE lui succéda.

Ajoutons les noms d’obscurs sergents : Alexis PRÉVOTS, Antoine OVART, qui exerçait ses fonctions au Pont-à-Tressin, pour le service du Prince de Soubise, décédé en 1764.

L’Empire.

Une borne taillée en prisme triangulaire se trouvant encore aujourd’hui non loin de la maison de M. Andoche, au bord d’un fossé parallèle à la Marque, porte trois inscriptions : CE – T – CC, une inscription sur chaque face. Lisez : « Chéreng Empire – Tressin – Chéreng Châtellenie ». C’est avec le nom que nous donnons encore à cette partie du territoire : « L’Empire », le seul souvenir qui reste ici des privilèges jalousement gardés pendant des siècles et des franchises disparues avec eux.

On appelait Terre d’Empire, celle qui relevait d’une seigneurie dépendant elle-même de l’Empire d’Allemagne. Or, la terre de MONTREUL en la paroisse de Chéreng était tenue de la Cour de Tenremonde au Comté d’Alost. Les privilèges que possédait Tenremonde découlaient sur ses fiefs, aussi Montreul en suivait-il la coutume. Dans leurs rapports de 1392, 1542, les seigneurs de Werchin, seigneurs de Montreul, affirment leurs droits et déclarent qu’ils ont haute justice, moyenne et basse, bailli, lieutenant, hommes de fief… Ils proclamaient donc leur entière indépendance vis-à-vis de la gouvernance du souverain bailliage de Lille, sous la juridiction duquel se trouvait Chéreng Châtellenie.

Les membres de la famille WAUQUIER sont de père en fils aux XVIIe et XVIIIe siècles, lieutenants de bailli à Chéreng Empire.

Une conséquence de la complète indépendance juridictionnelle de Chéreng Empire était le droit d’asile dont jouissait le coupable qui venait s’y réfugier. La lecture des lettres de Rémission est pleine d’enseignements à ce sujet. L’une d’elles, datée de 1526, nous apprend les prouesses d’un Chérengeois nommé Taffin HENNOT, qui a tué son rival à la ducasse de Bouvines et s’est réfugié ensuite en terre de Chéreng Empire, pour n’être pas fait prisonnier… et Charles, duc de Bourgogne incline « favorablement à sa dite supplication et requeste… » En 1466, c’est un nommé Piéret Laury qui a « assailly, batu et navré de trait et autrement Hacquinet de la Haye », qui s’est réfugié en terres franches de l’Empire, au Pont-à-Tressin, qui demande sa grâce à Philippe duc de Bourgogne…

Une autre immunité dont jouissait Chéreng Empire était celle des impôts. Les habitants refusaient de payer au receveur pour MM. des États, la taille aussi bien que les impôts indirects. Cette faveur excitait la jalousie de Chéreng Châtellenie, qui ne manquaient jamais l’occasion d’attirer sur elle l’attentions des États ou des baillis haut-justiciers. Mais privilèges des nobles et privilèges des terres furent emportés au début de la tourmente révolutionnaire.

En 1501, le haut et puissant seigneur Nicolas de Werchin, seigneur de Montreul, accorde aux habitants de Tressin le droit de construire sur la Marque un « pont de bois quy puist estre de compétente durée, pour l’aisement du passage de lestes allant au marais en payant par an pour chacune beste 12 deniers ».[5]

Après avoir appartenu à la famille de Ligne, le fief de Montreul passa par alliance aux de Werchin, puis aux de Melun, puis aux de Ligne. Après la conquête de Louis XIV, retour aux de Melun, enfin à Charles de Rohan Soubise, dont la fille avait épousé Henri de Rohan de Guémené qui, en 1783, fit une faillite de 33 millions.

Pierre-François-Albert TAVERNE, écuyer, seigneur de Burgault, baptisé à La Madeleine le 22 juillet 1744, épousa à Lille Marie-Angélique de Surmont, dame de Quenaumont, Platries, etc… Il fut nommé bourgeois de Lille par relief du 14 novembre 1711. Il acheta, le 12 septembre 1781, à Charles de Rohan, une notable partie du fief de Montreul, sis au Pont-à-Tressin, y fit d’abord construire un pavillon de chasse, puis, en 1783, le château actuel qui porte au fronton ses armoiries et celles de son épouse. Il devint veuf le 29 mai 1785 et c’est en son château de Montreul qu’il se retira au début de la Révolution. Malgré le certificat favorable qui lui fut délivré par la municipalité de Chéreng, il fut arrêté et emprisonné à Amiens. Il est décédé en son château de Pont-à-Tressin, le 4 juin 1831, léguant aux pauvres du village une pièce de terre de 70 ares 93 centiares. Le maire Quint et les membres du Bureau de Bienfaisance, en acceptant ce legs, se sont engagés « à faire célébrer un obit annuel pour lui et son épouse avec distribution de pains aux pauvres de la commune ». Il est dit aussi « qu’en cas d’inexécution de ces conditions, la pièce de terre retournera à la famille du testateur ».

Dame Angélique-Françoise Taverne, fille du précédent, née en 1772, épousa en 1796 Séraphin-Joseph D’HESPEL DE FLENC-QUES, capitaine aux dragons de Condé, chevalier de Saint-Louis, qui mourut à Lille en 1823, âgé de 69 ans. Parmi leurs six enfants, Émilie, chanoinesse du Chapitre de Sainte-Anne de Bavière, légua, à sa mort survenue à Boulogne en 1866, une somme de 6 000 frs aux pauvres de Chéreng et Séraphin-Félix D’HESPEL DE FLENCQUES, né à Lille le 21 nivôse an V, y décédé le 19 novembre 1845, qui épousa Adélaïde de Genevièvres et en eut quatre enfants, parmi lesquels Caroline-Adelaïde-Josèphe, née à Prémesques, le 20 juillet 1842, qui épousa en 1858 Charles-Philippe LE HARDY DU MARAIS, né à Valenciennes le 15 juin 1831, conseiller d’arrondissement, chevalier de Saint-Grégoire-le-Grand, décédé à Chéreng le 16 novembre 1901.

M. du Marais, comme on l’appelait ici, aimait Chéreng où il trouvait de réelles sympathies. Il fit don à la commune de 7 616 frs plus 877 frs 50 de droits pour la construction du Presbytère actuel. Or « il est notoire que ce don n’a été consenti qu’en vue d’assurer à perpétuité un logement gratuit au curé de la paroisse ». La loi du 9 décembre 1905 vint troubler cet ordre de choses.

Pour exécuter une volonté de son frère, décédé évêque de Laval, M. du Marais fit construire, en 1890, l’école des Sœurs, fournit le mobilier et les ressources nécessaires à l’entretien de deux religieuses ; tandis que l’argent pour subvenir aux frais d’une troisième institutrice était trouvé au lendemain d’une heureuse naissance dans une famille foncièrement chrétienne du village.

Le Comte Ernest D’ESTREUX DE BEAUGRENIER suit envers Chéreng et ses œuvres les traditions familiales.

De nos jours, le château de Montreul est passé par achat aux mains de Madame REBOUX, officier de la Légion d’honneur, directrice propriétaire du « Journal de Roubaix » qui, pour Chéreng, semble vouloir rivaliser de zèle avec les anciens châtelains.

Chateau de Montreul en 1932

L’œuvre, bienfaisante et courageuse, entreprise depuis de si nombreuses années dans notre région par Mme Reboux est connue de tous. Déjà, son heureuse influence se fait sentir dans Chéreng mon village et personne ne doute que, plus elle connaîtra sa nouvelle petite patrie, plus elle s’y attachera.

[1] Carrière Droulers.

[2] La Hamaide est habitée actuellement par MM. Meillassoux.

[3] Le cœur du jeune Louis de Vuœrden, scellé dans un cœur de plomb, fait partie des objets classés de l’église de Chéreng.

[4] C’est le parrain de la petite cloche de l’église, celle à la danse macabre. Marie-Angélique en est la marraine.

[5] Archives de la famille Taverne au comte d’Estreux de Beaugrenier.

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